Mardi, 24 Septembre 2013 10:40

Sabri Saffari a eu la mâchoire fracassée par la balle d’un policier. Or cette affaire, mettant en exergue les dérives violentes de la police tunisienne est loin d’être unique en son genre, dans un contexte où les «regrettables accidents» paraissent se multiplier.

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Le ministère de l'Intérieur a fini par dégainer son communiqué, près de 48 heures après «l’accident» qui a valu au jeune Sabri Saffari d’avoir la mâchoire fracassée par une balle de Steyr. Le fusil d’assaut réglementaire de nos services de sécurité, cette fameuse arme déjà réputée pour avoir fait une hécatombe dans les rangs des Tunisiens de décembre 2010, à janvier 2011.

On apprend ainsi que la balle a été tirée «accidentellement par l'un des agents, lors d'une vérification d'identité effectuée, dans la nuit de samedi, par une patrouille de Sidi Alouane», dans le gouvernorat de Mahdia. Des photos des débris de sa mâchoire, des morceaux de son visage déchiquetés par l’impact de la balle, circuleront sur les réseaux sociaux. Des photos qui rappelleront les images d’horreur prises dans l’hôpital de Kasserine durant la Révolution.

Sabri Saffari a été d’abord transporté à l'hôpital universitaire Taher Sfar à Mahdia, puis à l'hôpital universitaire de Sahloul (Sousse), avant d'être transféré en urgence à l'hôpital militaire de Tunis. Selon le communiqué du ministère de l'Intérieur, il s’agirait donc d’une «erreur due à une mauvaise manipulation de l'arme»,  puisque «l’agent de police avait oublié de désactiver le cran de sûreté de son arme». Selon cette version des faits il aurait donc ainsi appuyé par «inadvertance» sur la gâchette. Et toujours est-il qu’une «enquête a été confiée à une direction spécialisée à Tunis».

Sauf que le père du jeune homme ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, c’est «délibérément que son fils a été touché». Une version des faits appuyée et corroborée par les amis de la victime, dont le témoignage enregistré a été largement diffusé sur Facebook. Or cette affaire, mettant en exergue les dérives violentes de la police tunisienne est loin d’être unique en son genre, dans un contexte où les «regrettables accidents» paraissent se multiplier.

Viols et mort d’homme
Le 19 mai 2013, Moez Dahmani, est mort à 27 ans, après avoir reçu une balle dans le dos, en marge des manifestations de Hayy Ettadhamen, à Tunis. En juillet 2013, un homme en détention préventive à Hammam Sousse, est décédé lors d’un interrogatoire.

Le 27 septembre 2012, Radhia Nasraoui, la présidente de l'Organisation tunisienne de lutte contre la torture, a affirmé, sur la chaîne Nessma TV, qu’un homme a été violé par des policiers, au cours de la même semaine, dans la région de Gafsa. Cette affaire éclatera peu après l’annonce de l’agression de la jeune fille et le viol commis à son encontre par deux agents de «sécurité» relevant du poste de police des Jardins de Carthage.

A l’époque, l’avocate Bochra Belhaj Hamida avait relevé qu’il y avait «un sentiment d'impunité chez les policiers». Et manifestement, rien n’a véritablement changé, puisque les cas d’extrêmes violences policières continuent d’être recensés, en Tunisie, par les organisations de défense des droits humains.

Des actes de barbarie qui mettent à nu les carences d’un dispositif sécuritaire qui a trop longtemps servi d’outil répressif entre les mains de la dictature. A cet égard, le rapport de la Commission nationale d’investigation sur les dépassements et les violences (Cnidv), divulgué le 4 mai 2012 révèle que la police est responsable de la mort de 79% des martyrs de la Révolution, précisant que le ministère de l’Intérieur est également impliqué dans 96,18% des cas de blessures.

Or manifestement, les mêmes défaillances, les mêmes «dépassements», et autres «accidents» continuent d’être recensés, près de trois ans après le déclenchement de la Révolution. On notera d'ailleurs qu'en ce mois de septembre, deux deux centres d'assistance aux victimes de torture et de maltraitance ont été inaugurés au Kef et à Sidi Bouzid. Et si la série noire continue, les «clients» risquent de se bousculer au portillon.   

Moez El Kahlaoui

Tunisie : Quand la police multiplie les «accidents»
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