Dimanche, 08 Mars 2015 11:29

Tribune. La violence faite à l'éducation tunisienne depuis six décennies aboutit aujourd'hui à l'impasse inéluctable du démantèlement des valeurs et des structures qui garantissaient la permanence d'une vision positive de l'intérêt suprême du pays: sa matière grise. 
Par Abdel Jaoued Bouslimi

Le refus de l’appauvrissement humain, social, politique et intellectuel des enseignants pénalise une jeunesse censée fournir un effort pour réussir l'avenir d'un pays en faillite.

Que l’offensive anti enseignants, due au manque de moyens, fait appel aux hommes d'affaires pour intervenir dans l'école, confirme le visage patibulaire, cynique, servile, médiocre, d'intentions malsaines dictées par une vision mercantile de l'enseignement. Cette offensive menée pour satisfaire les intérêts des capitaux économiques, vise à soumettre le secteur de l'éducation et son personnel au règne contraignant de la marchandisation et du profit dictés par un libéralisme en crise.

 Depuis longtemps mise en œuvre, cette révolution libérale conservatrice est avant tout une guerre menée contre les mécanismes collectifs de mise en commun des ressources pour faire face aux démantèlent d'un secteur identitaire. C'est primordial pour un pays dont la seule richesse est une jeunesse assoiffée d'apprentissages commune à toutes les couches sociales avec un ancrage public et non privé.

Même imparfaits, même incomplets, les services publics de l'éducation représentent un arrangement minimal de solidarité qui témoigne d’un souci collectif pour une éducation juste, publique et sans distinction de classe sociale. Et pour défendre cela, les enseignants sont prêts à se battre, je l'espère jusqu'au bout.

Loin de cet appauvrissement, l’éducation que tout tunisien qui se respecte doit défendre, consiste à soutenir l’aventure des esprits libres en train d’apprendre et d’interroger les réalités tunisiennes pour assumer avec elles toute l’intensité affective et intellectuelle qu’elles engagent. Cette offensive généralisée s’attaque aux ressources et aux pouvoirs qui constituent le fond de notre éducation. Comme acteurs et actrices du monde de l’éducation, nous ne cessons de constater les multiples atteintes aux temps et espaces où s’exercent l'autonomie professionnelle, la collégialité et les conditions matérielles des enseignants.

L’exercice de cette responsabilité se rétrécit à mesure que croît une bureaucratie managériale avec ses instances de contrôle infantilisantes sous couvert de rentabilité et de comptes débiles. Dans la société toute entière, c’est l’ensemble des formes de l’action collective que cette vision prend pour cible.

L’action syndicale des enseignants, autonome ou directe, la grève, les pratiques politiques contre-hégémoniques, hors de la scène parlementaire, sont de plus en plus marginalisées, criminalisées, suspectées notamment de radicalité, méprisées, réprimées au nom de la protection d’un ordre
 des choses respectant le prestige de l'état policé et policier, placé hors d’atteinte derrière des vitrines qu’on ne pourrait que remettre en question.

 Cette volonté de neutralisation de la capacité d’action participe d’un dispositif de dépolitisation qui tente de faire prendre pour des nécessités des décisions politiques obsolètes, dictées par des soumissions à l'ordre mondial et non des partenariats objectifs. Cette question-là n’est pas banale.  Elle fait violence, symboliquement et effectivement, aux conditions mêmes du commun et de toute communauté : la politique, et son cœur, la conflictualité. La révolution dont l’austérité est le visage confine la politique à un terrain neutralisé. Reste la forme aseptisée et infiniment appauvrie d’un système incarné par ses politiques professionnelles. Cette violence faite à notre éducation a ceci d’insidieux qu’elle impose les termes mêmes du débat par lequel nous essayons de la déplier pour nous en défendre. Elle soumet le sens des mots à sa seule autorité et nous tire par la langue sur son terrain marketing où seule prévaut la relation de l’approvisionnement commercial. Même quand on prétend la protéger, l'éducation, pour ces néo gouvernants n’est qu’un « article», une marchandise.

Nous refusons le peu où on réduit l'école des lumières tunisiennes. Nous refusons notre réification triple de contribuable-consommateur- silencieux.
Nous refusons la grande honte de vouloir la vie bonne pour toutes et tous les affairistes.
Nous nous organisons. C’est ici que renait la révolution, c’est ici que nous nous rappelons que " sous les pavées... la plage".

Tunisie: SOS écoles en danger
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