Samedi, 05 Novembre 2011 11:07

presseWafa Boujmil, journaliste et Salah Jaâfar, technicien observent depuis mardi 1 novembre une grève de la faim pour protester contre leur licenciement par le quotidien «Echourouk». Un sit-in de soutien a été observé vendredi par quelques journalistes, devant «Dar El Anwar», à Tunis.

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), le Syndicat de base de «Dar El-Anwar» et Le syndicat de l'information et de la culture (de l’UGTT) se sont concertés pour tenter de trouver une issue. Un événement affligeant, qui souligne, si besoin est, le délabrement de la presse tunisienne, et les conditions de travail des professionnels du secteur, censé représenter le 4 ème pouvoir.

Des magazines de 70 pages ont ainsi fonctionné avec une «équipe» de deux (oui 2) journalistes, et quelques pigistes payés au lance-pierre. Certains journaux de la place payent les articles de leurs collaborateurs à sept (oui 7) dinars la pièce. De nombreux «journaux électroniques» n’ont pour seule ressource qu’un unique journaliste pour alimenter leurs différentes rubriques. Les dépêches d’agence, le copier-coller, se chargeant de remplir le vide.

Les quelques plumes qui arrivent malgré tout miraculeusement à s’imposer, se retrouvent obligées, dans une logique de survie, à multiplier les piges à droite et à gauche, pour obtenir un revenu (presque) décent à la fin du mois. Parce que même les journalistes ont des loyers à payer, une famille à nourrir. Ainsi, n’est-il pas rares pour eux, d’en arriver à «pondre» une dizaine d’articles par semaine, publiés sous divers pseudonymes. Or il est clair qu’à ce stade, les papiers en question ne sauraient répondre aux critères minimaux de qualité que les Tunisiens sont en droit d’attendre de leur presse nationale.

Sous Ben Ali, détenir une autorisation de publier, la fameuse «rokhssa», garantissait l’accès à une corne d’abondance, via la pub de l’ATCE. C’est pour cela que la licence n’était attribuée qu’à la garde rapprochée du régime. Les flics des médias rapportaient les faits et gestes de leurs «collègues» au palais, et ils étaient donc grassement rétribués pour leurs activités para-journalistiques.  Peu importe le contenu de leurs publications, ils sont assurés de se faire leur pelote. Certains rédacteurs en chef parachutés à la tête des publications n’étaient ainsi pas capables d’aligner deux lignes. Mais ce n’est pas pour leurs compétences rédactionnelles qu’ils ont été embauchés. Les choses auraient-elles vraiment changé depuis la Révolution ? Rien n’est moins sûr.

Les titres d’avant le 14 janvier continuent de drainer l’essentiel de la publicité. Que ce soit sur le web, ou dans la presse imprimée. Les réseaux mis en place sous la dictature continuent de fonctionner à plein régime. Le problème ? Une démocratie ne saurait fonctionner sans une presse digne de ce nom. Pour éviter à nos politiciens la corruption qu’entraîne trop souvent le pouvoir, rien ne vaut les garde-fous imposés par une presse libre, animée par des journalistes travaillant dans des conditions correctes. Or malheureusement, les éléments pathogènes qui ont gangrené le secteur sont toujours virulents. Les mêmes agissent dans les coulisses de nos chaînes de télévision, et on a vu ce que les dérives pouvaient occasionner comme tensions à la veille des élections. Les principaux titres de la presse imprimée continuent leur micmac, remplaçant seulement la photo de Ben Ali par les nouveaux arrivés.

La triste affaire de Wafa Boujmil  (major de sa promotion à l’Institut de la Presse et des Sciences de l’Information) et de Salah Jaâfar, aura le mérite d’attirer l’attention des Tunisiens sur ces réalités indignes d’un pays démocratique. Reste à espérer que nos élus aient réellement la volonté de se pencher sur les milliers de Wafa Boujmil, spoliés par les dictateurs médiatiques toujours pas déboulonnés.

Marwene El Gabsi

Wafa Boujmil et la dictature médiatique
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