Mardi, 11 Octobre 2011 22:09

folieJe suis mentalement parfaitement normal, comme 50% des Tunisiens. Rien à signaler, sur ce point particulier. Les courbes zigzagantes de mon encéphalogramme signalent pourtant une légère propension à broyer du noir, notamment quand j’entraperçois les réminiscences de l’Etat Policier.

J’ai vu avec joie, à la télé, nos chères petites têtes brunes peinturlurer les murs nus et glacés des caves du ministère de l’Intérieur. Il y avait même un policier qui soufflait consciencieusement dans un ballon. Faut-il pour autant laisser les bourreaux et tortionnaires d’hier en liberté surveillée même s’ils sont fous à lier ?

Je suis mentalement parfaitement normal, même si j’ai la fâcheuse tendance à vérifier trois fois, si ma porte avec ses quatre verrous d’acier trempé,  est bien fermée. Même si mon tacot populaire rouge ne roule qu’à tombeau ouvert, pour semer ses poursuivants imaginaires. Normal. Même si je crois toujours entendre des grésillements dans le téléphone, huit mois après le 14 janvier sacré. Juste une anxiété passagère comme 20% des Tunisiens. L’un de nos 2012 psychiatres m’a rassuré : tout devrait rentrer dans l’ordre après le 23 octobre, du moins, il est permis de l’espérer.

Je suis mentalement parfaitement normal, je ne suis pas fou. Sans être psychopathe, il m’arrive d’avoir l’irrépressible envie de défoncer à coups de talons la figure étroite de mon patron. C’est juste parce que le soleil continue de briller pour les hyènes, quoi qu’en disent les chantres de la Révolution.  Pour me laver le cerveau de ces images d’horreur, j’avale tous les jours sept comprimés de valium. Du gardénal pour me détendre les nerfs, et pour éviter une erreur fatale. Une raideur récalcitrante dans la nuque, un dos qui refuse de se plier, comme une hampe de drapeau. Il parait que c’est psychosomatique. Comme une impression de dépression chronique. Parfaitement normal. Puisque le diagnostic est partagé avec 28% de Tunisiens.

Je suis parfaitement normale. Même si je pense en arabe pour écrire en français comme un colonisé complexé, qui n’en finit pas de vomir la France et la modernité importée. Normal, pour un arabe réfugié politique à jamais enfermé dans les pages moisies des bouquins de Saint-Germain-des-Prés. Je suis parfaitement normal. Comme 77% des Tunisiens, la rythmique du benndir me prend aux tripes, vrille ma moelle épinière, jusqu’à faire de ma conscience un Etat modifié.

Marwene El Gabsi

Tunisien au mental à 50% normal
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