Dimanche, 23 Décembre 2012 16:34

expo-vente-benali«Considérer les œuvres de maître du courant artistique de l'École de Tunis tels Ammar Farhat, Gorgi, Jalel Ben Abdallah, Fouad Zaouch,  Megdich, comme des babioles décoratives et les exposer aux côtés de télés et de voitures, ça me désole. En attendant la création d'un musée d'art moderne en Tunisie, on regrettera certainement cette dilapidation».

Telle est la remarque de Wassim Ghozlani, un photographe tunisien, particulièrement attristé par le sort réservé à ces tableaux de peinture, lors de l'exposition-vente des avoirs confisqués à l’ex-dictateur Ben Ali et à sa famille.

Une exposition, qui a ouvert ses portes au grand public, ce dimanche 23 décembre, à l'espace Cléopâtre à Gammarth, moyennant la modique somme de 30 dinars pour le ticket d’entrée. Ainsi, les voitures de luxe, l’électroménager, et les chaussures, côtoieront donc les chefs-d’œuvre des maîtres de l’Ecole de Tunis, et les tableaux de peintres aussi réputés que le douanier Rousseau ou Max Moreau.

Un bien triste destin pour ces tableaux de l’Ecole de Tunis, un courant artistique qui a contribué à faire évoluer et changer le regard porté sur la culture tunisienne, et par delà, sur notre pays tout entier. Des peintres emblématiques de la Tunisie, qui ont donné, grâce à leur palette de couleurs, plus d’éclat à notre identité.

Max Moreau, a vécu en Tunisie de 1933 à 1934, et a redécouvert, sous l’aveuglant soleil de notre pays, la lumière, pour en faire l’élément central de sa peinture. Un peintre belge en rupture avec la pacotille de l’orientalisme prépondérant, qui nous laissera en héritage des portraits réalistes, des témoignages d’une époque aujourd’hui révolue. Le voici entreposé parmi les breloques de l‘ex-dictateur.

Et on ne présente plus le douanier Rousseau, l’un des plus illustres représentants de la peinture naïve, qui se retrouve peut-être coincé entre deux souliers, sans que nos responsables ne daignent pour autant l’admirer. On ne s’appesantira pas sur les quelques tableaux orientalisant d’Armand Vergeaud, qui fut le directeur de l'École des beaux-arts de Tunis, de 1927, jusqu'à sa mort en 1949. Tout doit donc être liquidé.

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Le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk a pourtant suggéré au chef du gouvernement, Hamadi Jebali, de ne pas céder une partie des biens confisqués, exposés aujourd'hui à Gammarth. M. Mabrouk considère en effet qu’au moins une partie de ces œuvres appartient à la mémoire nationale. Il a donc proposé de les mettre plutôt à la disposition des musées tunisiens, à l'image de ce qu’a fait la Russie, avec les biens des Tsars déchus. En définitive, cette manière de procéder, aurait pu contribuer à drainer les foules, et même créer une nouvelle attraction touristique, susceptible de s’inscrire dans la durée. Ce qui nous aurait sans doute permis,  de dépasser, à terme, les 20 millions de dinars qu’est censée rapporter cette exposition, selon une estimation de l'ancien ministre des Finances par intérim, M. Slim Besbes.

Mais pour certains de nos ministres, les beaux-arts ne présentent manifestement pas les mêmes attraits que les clinquantes chaussures de Leila Ben Ali. Pour sa part, l’écrivain Abdelaziz Belkhodja, résume, en quelques mots acérés, le sordide de la situation. Il rappelle ainsi : «il y a quelques mois, il y avait très peu de ministres à l'inauguration de la rénovation de l'un des plus riches musées au monde, celui du Bardo. Par contre, il y en avait plein à l’ouverture de cette exposition dédiée au bling-bling du plus mauvais goût».

Oualid Chine

Tunisie : Sombre tableau de Gorgi au douanier Rousseau
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