Mardi, 18 Juin 2013 22:48

weld-el-15El Général a été arrêté par la police de Ben Ali. Et voici qu’aujourd’hui un autre rappeur, Weld El 15, est emprisonné pour les mêmes raisons. Une dénonciation en bloc de l’humiliation, un refus de la violence et de la répression. N’étaient-ce pas là, les revendications premières de la Révolution ?

Une chanson vaudra pourtant à Alaâ deux ans de prison. Si comparaison n’est pas raison, on rappellera quand même que l’injustice benaliste avait condamné Marzouki à tout juste un an…

Et alors que nos politicards se déchirent pour des chaises musicales, redessinant les alliances au gré du vent tournant, nos rappeurs tiennent bon. La chanson de Weld El 15 devient une entreprise de démolition du mur de la terreur que certains rêvent de rebâtir secrètement. Les jeunes s’engouffrent en masse dans la brèche, multipliant les foyers de la rébellion. Après «El Boulissia Kleb», la flicaille aura droit à une rafale de chansons creusant le même sillon. La lutte commence ici et maintenant.

La fuite n’est plus autorisée. Sauf peut-être pour les députés ou les journalistes à la double-nationalité. Car l’Europe jadis accueillante est devenue une forteresse sur laquelle s’écrasent les rêves d’une jeunesse désespérée, coulée par milliers dans la Méditerranée. Adieu Saint-Germain des Près, et ses maîtres à penser séculiers qui se targuaient de l’universalité, glosant sur la fraternité de l’humanité. Brûlez les rêves et les papiers. Le choix se rétrécit. S’asperger d’essence, s’exploser en Syrie ou ici. Les survivants opteront pour l’attentat musical. Avec le rap comme ultime destination.

free-weld-el15Une culture shootant à l’adrénaline le potentiel mobilisateur de la chanson. Il ne s’agit plus de siroter des paroles éthérées, à l’usage exclusif d’une pseudo-élite esseulée, réfugiée à l’abri des regards policiers. Encore moins d’une poignée d’artistes grattant le luth pour un public d’étudiants, et de quelques opposants en rupture de ban. Exit les refrains fredonnés après des concerts tenus en catimini dans la semi-clandestinité. Le verbe est trituré, violé, désacralisé, pour exprimer la colère des générations oubliées, de ces bataillons de chômeurs diplômés. La confrontation.

Le rap tunisien ? C’est un Cheikh Imam qui se serait fait kamikaze pour braquer les chiens-policiers avec le flingue de Tupac Shakur. Sa déflagration déborde des quartiers délaissés, des incandescentes ceintures rouges de Tunis, d’El Kabbaria, à Hayy  Ettahadhamen, et El Mellassine pour propager l’incendie dans les beaux quartiers.

Le rap devient le vecteur des virus de la rue, l’expression brutale de ses revendications. Une parole qui use des réseaux sociaux et du net comme autant de munitions. Les clips jaillissent et décoiffent, jusqu’à hérisser les brigades canines de l’Etat policier. 

Les rimes assassines font trembler les bases d’un système trop longtemps assuré de sa pérennité. Le voici aujourd’hui poussé dans ses derniers retranchements, ce qui explique la violence de ses réactions. Comme si l’usage immodéré du lacrymogène pouvait lui rendre la transition moins anxiogène. Mais qu’importe s’il a la dent dure. La Révolution jouera les prolongations.

Oualid Chine

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