Jeudi, 26 Décembre 2013 16:32

La Tunisie plie face aux pressions, pour obtenir contre des concessions à répétitions, les ressources financières que les institutions financières internationales rechignent désormais à lui avancer. Mais notre pays serait-il à ce point dépourvu pour courber autant l’échine face aux injonctions étrangères ? Pas si sûr. Par Oualid Chine

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La souveraineté de la Tunisie paraît sérieusement malmenée. Les rencontres à l’étranger, menées entre Alger et Paris par les principales figures politiques tunisiennes que sont Rached Ghannouchi, côté pouvoir, et Béji Caïd Essebsi pour l’opposition, n’auguraient déjà rien de bon. Puis les soupçons ont été renforcés par la publication de cet article dans le journal français «Le Monde», faisant état des pressions qu’aurait subi le pouvoir, en Tunisie, lors des négociations qui ont abouti à la nomination de Mehdi Jomâa, le nouveau chef de gouvernement qui a accompli l’essentiel de sa carrière dans une filiale de Total, le géant pétrolier français.

Des soupçons que Laura Baeza, la chef de la délégation de l’Union Européenne a tenté, dans un premier temps de dissiper. Avant qu’une autre information ne renforce les suspicions : Jens Plötner, l’ambassadeur d’Allemagne à Tunis, a été rappelé dans son pays pour y diriger le cabinet du ministre des Affaires Etrangères allemand. Une juste récompense pour les succès remportés par la diplomatie du méchoui avancent certains observateurs. Mais qu’est-ce qui aurait rendu nos dirigeants aussi sensible aux pressions ?

Voici ce que répond Hédi Baccouche, dans une interview publiée le 24 décembre dans l’hebdomadaire «Jeune Afrique» :

«L'étranger exerce actuellement sur nos autorités une pression forte, insistante et déterminante. Ne pas s'y plier, c'est se mettre dans l'impossibilité de boucler le budget, de payer les fonctionnaires et de disposer de fonds pour l'investissement nécessaire à l'emploi. (…) Nous sommes dans une situation de dépendance inédite. Nos dirigeants doivent en tenir compte en attendant d'établir des rapports moins contraignants avec l'extérieur».

Et le véritable auteur de la déclaration du 7 novembre, l’ancien premier ministre de Ben Ali, qui s’est montré particulièrement actif dans les coulisses, avant les élections du 23 octobre, est bien placé pour évoquer ces questions. Ainsi, la Tunisie plierait face aux pressions, pour obtenir contre ces concessions à répétitions, les ressources financières que les institutions financières internationales rechignent désormais à lui avancer. Mais notre pays serait-il à ce point dépourvu pour courber autant l’échine face aux injonctions étrangères ? Rien n’est moins sûr.

Le nerf de la guerre

Le phosphate et le tourisme figurent parmi les principales ressources de la Tunisie. Certes, le tourisme ne dépend pas totalement et directement des décisions du gouvernement. La situation sécuritaire de la région, marquée par une violence endémique en Libye, des actes de terrorisme sporadique dans notre pays, peuvent en effet inciter provisoirement, (on l’espère) les visiteurs étrangers à opter pour d’autres destinations.  

A l’inverse, le phosphate, la première richesse du sous-sol tunisien, est extraite par des compétences tunisiennes, des mains tunisiennes, et ne dépend a priori que des Tunisiens. Sauf que Néjib Mrabet, le PDG de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG),  a affirmé, devant l’Assemblée nationale constituante le 20 décembre dernier, que sa société continuait de payer les salaires de 2700 personnes inactives alors qu’elle avait perdu les marchés brésiliens, polonais, asiatique et néozélandais. Et depuis avril dernier, on sait que les troubles sociaux auront coûté au Groupe Chimique Tunisien (GCT) et à la CPG, une perte de sèche de 2 milliards de dinars depuis 2011. Or ce montant constitue 74% du prêt  de 2,7 milliards de dinars que la Tunisie s’apprête à obtenir d’un Fonds monétaire International (FMI) qui multiplie aujourd’hui les conditions.

Or le recours à l’institution financière internationale, et à «l’aide» étrangère aurait donc pu, au moins en partie, être évité, si l’industrie du tunisienne du phosphate avait pu être relancée. Comment justifier, dès lors, que l’on puisse permettre, à une infime minorité de prendre en otage une ressource aussi stratégique, et par delà, le destin de 11 millions de Tunisiens ?

La question est d’autant plus grave que le flou n’entoure pas uniquement le phosphate. Un halo de mystère semble encore entourer le secteur des hydrocarbures qui n’a toujours pas été audité, dans un contexte où des sociétés notamment anglo-saxonnes, paraissent bénéficier de contrats d’exploitation,  dont l’intérêt souverain de la Tunisie n’est pas la première préoccupation.

Comment justifier le fait que ces questions cruciales ne soient toujours pas débattues, en Tunisie, trois ans après la chute de la dictature ?

 Des éléments de réponse peuvent être apportés par l’Association tunisienne de lutte contre la corruption (ATLCC) dont le président, M. Brahim Missaoui a affirmé le 24 décembre, sur Mosaique FM, que la Banque centrale de Tunisie a été informée de plus de 250 anomalies constatées dans le financement de partis politiques et associations.  Soulignant qu’aucun des 180 mouvements politiques de Tunisie n’a encore publié ses sources de financement.

En définitive, il apparait donc que des puissances étrangères (ou même des lobbies locaux), ont toute latitude d’influer sur le champ politique tunisien en finançant des mouvements servant leurs intérêts, ce qui peut même leur permettre de placer des hommes susceptibles de leur être favorables.

On se souviendra pourtant qu’avant les dernières élections, la plupart des partis du pays s’étaient pliés à l’exercice de transparence, en publiant leurs livres de comptes, à l’exception notable d’Ennahdha. Dans le silence assourdissant du gouvernement transitoire, assumé par Caid Essebsi.

O.C

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