De quoi apaiser les esprits chagrins. Redonner de l’espérance aux oubliés du bassin minier. Faire croire à tous nos citoyens de Kasserine à Thala en passant par Gafsa, qu’ils sont nés sous une bonne étoile. Les persuader que la Tunisie est le plus grand club africain. Le peuple oubliera comme par enchantement ses soucis, les sit-ins, et la flambée des prix.
Il zappera les balbutiements de la troïka, mettra le holà à l’acharnement thérapeutique de ceux qui tentent de ranimer la dépouille du Destour momifié. La solution a fait ses preuves à l’échelle internationale. Certes, son utilisation est controversée. Et à forte dose, le corps social risque la dépendance, le hooliganisme n’étant qu’un des effets secondaires, un dommage collatéral. Mais aux grandes douleurs les grands remèdes. Les seuls qui conviennent. Il faudra de nouveau servir l’opium du peuple. La morphine footballistique. Et à défaut de pain, le peuple aura des jeux.
De quoi réconcilier les arrières droits avec la virevoltante aile gauche. L’avant-centre pas toujours démocratique se rabibochera avec le gardien qui saura, cette fois-ci maintenir la paix dans ses filets. Parce que rien ne vaut une victoire en finale africaine quand la coupe est pleine. Reste à espérer que nos footballeurs (qui ne comptent plus de Brésiliens nationalisés dans leurs rangs), puissent dribbler la guigne et les fautes d’arbitrages. Mais il nous faut à tout prix cette victoire. Quitte à s’inspirer de la main divine, du Maradonna de l’Argentine, en pleine guerre des Malouines. Et là, à coup sûr, le 4-3-3 saura redorer le blason de la troïka, couper les sifflets des Ultras, et faire applaudir dans les dangereux virages. Et Dieu sait que la Tunisie en a besoin depuis le 14 janvier et son tournant. La victoire est cruciale pour le moral en berne des troupes.
Les imams salafistes devraient exprimer leur solidarité les premiers, et prier publiquement pour le salut du onze national. La gauche remisera le drapeau rouge au placard, dans l’attente du grand soir, pour célébrer la victoire finale. Les journalistes mauves oublieront un temps de revêtir leur écharpe novembriste pour agiter l’étendard national. De quoi jouer les prolongations de la Révolution, en gagnant un deuxième tour pour l’exemple. Pour redonner à l’Egypte éliminée, et pas encore tout à fait débarrassée des Pharaons, de l’espoir par procuration. Et même l’Algérie croisera les doigts quand la Tunisie jouera. C’est que le football est la continuation de la politique par d’autres moyens plus avouables, et nos frères verront de quoi les Tunisiens sont capables ! Quant au Maroc monarchiste, il s’est déjà frotté à nos attaquants avec le résultat que nous connaissons. Osons le dire clairement, n’ayons pas peur des maux : il ne manque plus qu’une Coupe d’Afrique, pour sauver la Révolution.
Marwene El Gabsi