Mardi, 07 Février 2012 01:04

syrie-tunisieL’opposition tunisienne est unanime. La gauche moderniste, les libéraux, comme les rescapés du Destour, se découvrent des affinités russo-chinoises. La cause de ce ralliement contre-nature ? L’annonce fracassante du samedi 4 février, du renvoi de l’ambassadeur syrien en Tunisie, et le véto cinglant de l’ours et du dragon.

Les nationalistes arabes comme les bourguibistes, conservateurs et progressistes semblent croire désormais les yeux fermés à l’image véhiculée par les médias syriens. Il y aurait ainsi anguille sous roche, conspiration. Bachar Assad, en bon fils de son père, aurait donc reçu légitimement en héritage son titre de Lion de la Nation, en même temps que la monarchie républicaine syrienne. Une fois n’est pas coutume, les militants pour les droits de l’homme, les démocrates affichés, préféreront mettre en avant les complications de l’Orient, disserter sur la géostratégie, avant de condamner fermement l’assassinat des enfants. Passant l’éponge sur le parcours sanglant d’un régime qui est allé jusqu’à employer l’aviation pour bombarder ses citoyens récalcitrants. Et ça ne date pas d’aujourd’hui.

En février 1982, pendant 27 jours, Assad père a noyé Hama sous un déluge de feu, faisant  jusqu’à 35 000 victimes, en plus de la destruction des joyaux de cette perle de l’architecture arabe. 30 ans plus tard, le fils se sert de ses chars pour mater la rébellion dans la même ville. Par l’une de ces curiosités de l’Histoire, les défenseurs tunisiens du régime syrien, s’installent dans le rôle qu’assumaient sans complexe les Français, à l’égard de la Révolution Tunisienne. Un reste de pudeur les dissuadera toutefois de proposer leur soutien à Bachar, comme l’a fait Michèle Alliot-Marie à la veille du 14 janvier.

On s’interrogera sur le nombre réel des Syriens assassinés, le chiffre de 4000 fourni par l’ONU paraissant exagéré, et puis… l’important est de s’opposer. On alignera les arguments sur la taille modeste de la Tunisie, qui devrait humblement éviter les coups d’éclat, fussent-ils diplomatiques. Oubliant que Habib Bourguiba a lui-même, défié l’Egypte de Nasser, allant jusqu’à rompre, en 1966, les relations diplomatiques avec les Pharaons. Or à l’époque, le Caire avait une toute autre dimension que celle du régime de Damas, aujourd’hui agonisant. Et la petite Tunisie, n’a pas craint le bras de fer diplomatique avec la patrie du nationalisme Arabe. Ironie de l’histoire, ce sont les dinosaures du Destour, qui défendent, en 2012, le régime badigeonné aux couleurs du nationalisme arabe de la Syrie. Mais on n’est pas à une contradiction près, l’important étant de s’opposer.

Se voulant plus royalistes que le roi, d’autres feindront de s’interroger pourquoi on ne procèderait pas de même avec les Saoudiens ou les Qataris, puisque ces deux pétromonarchies hébergent nos tyranneaux enfuis. Comme si un Etat, ne se gouvernait uniquement qu’avec un dégoulinement de bons sentiments. On relèvera cependant que dans les deux Etats en question, nulle Révolution ne semble prête à renverser ces régimes, aussi obscurantistes et moyenâgeux fussent-ils. D’autre part, les intérêts notamment économiques de la Tunisie peuvent plaider en faveur du profil bas. A contrario, qu’a-t-on à espérer du moribond régime syrien ? En clair, que perd-on réellement en le condamnant, et en renvoyant un ambassadeur qui a déjà quitté  la Tunisie? Les citoyens tunisiens en Syrie ? Pour rappel, le revenu moyen d’un syrien (PIB par habitant de 4800$ en 2010) est à peine la moitié de celui d’un Tunisien (PIB par habitant de $9500 en 2010). Et nos compatriotes ne sont guère nombreux dans ce pays (3500 selon les estimations), qu’ils choisissent souvent pour affinités idéologiques. C’est dire que les pires craintes ne sont pas nécessairement justifiées, surtout s’il s’agit  des baasistes tunisiens.

Or qu’on le veuille ou pas, la Tunisie est la patrie de la Révolution Arabe, la petite hirondelle qui a fait le printemps de nos régions. La Révolution est même devenue l’une de nos principales exportations. Le régime de Bachar va finir par tomber. Comme ses prédécesseurs en Egypte, et en Libye. Et puis après tout, pour plaire à l’Oncle Sam, Habib Bourguiba, (une référence en matière de politique internationale) a soutenu l’Amérique, même dans sa guerre inique contre le Vietnam. Au point de faire torturer, en 1967-1968, les militants estudiantins de l’UGET qui s’y opposaient. En 2012, Carthage n’a pas poussé le cynisme aussi loin, et ne s’aligne finalement que pour une cause humanitaire. Fallait-il rater l’occasion pour plaire à l’opposition ?

Marwene El Gabsi

L’opposition de Tunisie unie sur la Syrie
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