Vendredi, 12 Avril 2013 18:50

carthage-entreeTribune. La jeunesse tunisienne assiste à une guerre de pouvoir entre deux forces passéistes, néo-libérales et conservatrices, au sens économique et social du terme. Deux forces antirévolutionnaires, qui se sont partagé le marché des médias et les réseaux financiers de l’ancien RCD.
Par Ayoub Massoudi

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Obscène, indigne et indécente. C’est ainsi que je qualifierai la dernière intervention de Moncef Marzouki. Il a encore une fois démontré qu’il ne peut représenter ni la Tunisie, ni les Tunisiens. Le président de la République ne rate pas une occasion pour décevoir une Nation déjà épuisée et anéantie par deux ans de division, de violence et de désespoir.

Cet Etat qui a fait la fierté de tous les Tunisiens, est aujourd’hui en décomposition. Ses institutions, à commencer par la présidence de la République, ont été bafouées, sa mini-constitution transgressée (voir l’article de Nawaat concernant la décision du tribunal administratif au sujet de l’extradition de Baghdadi Mahmoudi ), et ses acquis menacés. Marzouki, incapable de défendre ses propres prérogatives, ne peut prétendre être le garant de l’unité nationale et des libertés.

Mais comment un défenseur farouche des droits et des libertés a-t-il pu à ce point se transformer ?

Carthage, cette tour d’ivoire

Carthage, ce mythe, cette tour d’ivoire, jadis redoutée avant d’être tant convoitée, a été soigneusement conçue et bâtie pour isoler le pouvoir central du peuple. Marzouki a beau ânonner  avoir ouvert le palais pour en faire un lieu public, il n’a fait que creuser le fossé entre lui et une rue désormais électrisée par des tensions idéologiques et politiques.

ayyoub massoudi

De la crise du 09 avril, et sa gestion catastrophique, et qui a conduit à ma première lettre de démission, rejetée par le président, à l’extradition mafieuse de Baghdadi Mahmoudi, à la répression sauvage des revendications sociales légitimes à Sidi Bouzid (dont j’ai été témoin), Gabès, Jerba, Hancha (dont j’ai été aussi témoin)… à l’usage excessif de la violence et d’armes non conventionnelles à Siliana, à l’agression du siège de l’UGTT, au meurtre de Chokri Belaid ! Le président Marzouki, convaincu par certains conseillers qu’il est à jamais lié par alliance «stratégique» à Ennahdha, ne voit plus son avenir en dehors de la Troïka.

Le voici donc à faire l’autruche avant de se lancer, devant les assemblées du monde entier, en digne porte-parole d’Ennahdha, vantant les mérites de ce «miracle arabe», de ce «consensus historique entre islamistes modérés et laïques modérés».

Marzouki, le médecin, déboussolé entrera ensuite dans une phase d’acharnement thérapeutique. Pour maintenir sous perfusion, et quoi qu’il puisse lui en coûter, une alliance agonisante.

Le sang de Lotfi Naguedh et Chokri Belaïd, les agressions de journalistes et militants politiques, les procès d’opinion et les harcèlements dont sont victimes des opposants politiques et des militants des droits de l’homme, ne viendront pas à bout de l’ambition maladive de Marzouki de collectionner le plus grand nombre de prix et de nominations.

Au bout du compte, Ennahdha ne s’est pas trompée en choisissant Marzouki. Puisque ce faisant, elle a réussi à montrer au peuple tunisien, qu’un président peut non seulement être inutile et coûteux pour la République, mais aussi dangereux pour sa stabilité et sa cohésion. C’est donc pour cela qu’il ne faudrait lui accorder qu’un minimum de prérogatives, ne serait-ce que pour limiter les dégâts.

Les calculs de l’opposition

Incapable, impuissante et opportuniste, c’est ainsi que je qualifierais un grand pan de l’opposition. Autant de qualités qui se sont illustrées lors des différentes crises survenues depuis le déclenchement de la Révolution le 17 décembre 2010, avortée un 14 janvier 2011, sous la haute surveillance américaine, et le regard du haut commandement de l’armée.

Apeurée, déboussolée, désorganisée, cette portion défaitiste de l’opposition essoufflée, a fini par se rabattre sur un vieillard octogénaire aux mains salies par le sang des yousséfistes et autres opposants de tous bords au régime Bourguibien. Cette opposition en manque d’inspiration a choisi un homme du passé pour bâtir l’avenir. Un homme qui s’est tu pendant des décennies, avant d’être ressuscité par des forces occultes. Les mêmes puissances politico-financières qui régnaient du temps de Ben Ali, ont repris du service pour garantir le retour de ce même passé!

Quant à Ennahda, elle a brillamment réussi à intégrer l’opposition et l’opinion publique dans son agenda de gestion des crises. Sa stratégie sera basée sur la création de chocs délibérés. L’objectif ? Faire diversion et occuper l’opinion pour faire passer des réformes antisociales douloureuses tout en faisant oublier les crimes du passé.  C’est ainsi que l’opposition a accouru pour négocier une miette du gâteau dans le gouvernement Laarayedh.

Présents sur tous les plateaux télévisés aux moments des crises, les leaders politiques ont été incapables de se mettre d’accord sur un mot d’ordre et le vote contre le gouvernement Lâarayedh. La tempête passée, ils seront le plus souvent absents lors des discussions des articles de la constitution. Cette constitution censée édifier la République de demain.

Tel est le contexte dans lequel se débat le peuple tunisien, et à sa tête sa jeunesse, désormais désarmée, divisée et désorganisée. La voici à assister depuis deux ans à une guerre de pouvoir entre deux forces passéistes, néo-libérales et conservatrices, au sens économique et social du terme. Deux forces ouvertement antirévolutionnaires, qui se sont partagé le marché des médias et les réseaux financiers de l’ancien RCD.

Les slogans utilisés de part et d’autre, au nom du modernisme Bourguibien ou du panarabisme Yousséfiste, ne sont que des subterfuges cachant l’absence de programmes et d’alternatives économiques et sociales. C’est dans les batailles passéistes que ces deux forces veulent entrainer le peuple tunisien et sa jeunesse, assoiffée de justice sociale et de liberté.

Et seule cette jeunesse, plus que jamais tournée vers l’avenir, fière de son identité arabo-musulmane, forte de l’expérience de ses ambitions avortées, sera capable de réussir et de mener jusqu’au bout une vraie Révolution. Pour balayer toutes ces reliques avariées du passé.

Ayoub Massoudi

La Tunisie prise entre deux feux
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