Lundi, 10 Juin 2013 14:49

dignité tunisienneTribune. La mobilisation de la société civile, la catastrophe économique, la nullité de la gestion de l'Etat, l'attaque de l'ambassade US et la mort de Chokri Belaid ont-ils empêché le changement de société que voulaient les faucons d'Ennahdha dirigés par Rached Ghannouchi sous les ordres des monarchies pétrolières? Par Abdelaziz Belkhodja

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Le 23 octobre 2011, les premières élections post révolutionnaires portent Ennahdha au pouvoir, principalement à cause de l'effritement irresponsable des progressistes. Alors que ces derniers n'arrivent pas à se relever d'un K.O. pourtant programmé, la société civile et les médias, suite à la traîtrise annoncée d'Ettakatol et aux déclarations du futur Premier ministre Hamadi Jebali sur le 6e Califat, commencent à mobiliser les Tunisiens contre l'aventurisme politique qui se met en place.

abdelaziz-belkhodjaAlors que la Troïka, ivre de pouvoir et avec la maladresse conséquente se perd dans des considérations ridicules de chaises et d'égo, approche le premier anniversaire du 14 janvier. Ce jour là, choquée de voir les roitelets dictateurs du Golfe invités au premier rang de la célébration de la liberté, la société civile déclare la guerre à Ennahdha et à sa Troika incapables de respecter l'héritage révolutionnaire.

Deux mois plus tard, alors que l'Etat s'affaisse sous les niaiseries d'un gouvernement ridicule, incapable de faire ramasser les poubelles, une jeune étudiante arrache des mains d'un salafiste le drapeau national qu'il avait mis à bas. Tout un symbole. Le lendemain, 8 mars, devant l'Assemblée constituante, les Tunisiennes organisent une manifestation mémorable. Quelques jours plus tard, les salafistes, ramenés de toute la république à grands renforts de moyens de transports, appellent l'ANC à appliquer la Charia.

Le 20 mars, alors que la Tunisie est censée fêter son Indépendance, aucun drapeau n'est hissé dans la République. La Société civile, encore une fois en l'absence des partis, manifeste sur l'avenue Bourguiba son attachement à son drapeau et à son histoire.
Le 9 avril, avec une très timide participation partisane mais en présence de plusieurs députés de l'opposition, la Société civile manifeste son refus de voir l'avenue Bourguiba interdite aux manifestants. La journée est terrible : Ennahdha, à l'image du défunt RCD, sort ses milices et agresse les manifestants !

Un mois terrible s'ensuit et le 1er mai, partie de la Place Mohamed Ali, une exceptionnelle manifestation présidée par l'UGTT marque la naissance d'un puissant front anti-Troïka. Cette Troïka dont les deux composantes progressistes calquent leurs positions sur celles des islamistes et, complètement inconscientes des réalités, laissent l'Etat dépérir, l'argent des pétro-monarchies financer les intégristes et les armes entrer dans le pays.
Parallèlement, Ennahdha met le paquet pour contrôler les médias, elle encourage sit-ins et agressions de journalistes. Mais ces derniers, héroïques, même au sein du service public, ne se laissent pas faire.

ugtt

Juin et juillet marquent la montée en puissance des milices d'Ennahdha et de ses troupes instrumentalisant l'Islam et terrorisant les citoyens, les artistes, les syndicalistes, les intellectuels et empêchant les meetings politiques de l'opposition.
En face, une puissante fronde se développe. Médias, Société civile, UGTT, corps de métiers et partis (enfin réveillés) commencent à organiser la résistance à la violence et l'hypocrisie rampante d'une Troïka phagocytant l'Etat avec des légions d'incompétents.
Parallèlement, les salafistes, contrôlés par Rached Ghanouchi et encouragés par des batteries de prédicateurs wahhabites importés, essayent d'imposer aux Tunisiens un discours religieux qui n'a rien à voir avec leur mentalité.
Après l'ignorance totale par les autorités de la fête de la République, le 13 août, les femmes organisent une manifestation historique qui fait reculer Ennahdha sur les changements qu'elle veut opérer sur le statut de la Femme.

Le 11 septembre, un proche du Premier ministre, lance de très graves accusations contre toute une frange de responsables d'Ennahdha qui a trahi l'esprit du mouvement. Mais avant que ce message ne produise ses effets, le 14 septembre, l'attaque organisée de l'Ambassade des USA allait révéler la misère politique d'un Rached Ghannouchi incapable de maîtriser ses troupes et provoquant ainsi un questionnement de son plus important soutien : les USA, sur la capacité d'Ennahdha à gérer le pays.

En octobre, dans une séquence vidéo désormais célèbre, les intentions belliqueuses du gourou sont confirmées et son diabolique plan de mise au pas des Tunisiens révélé. Le 23 octobre 2012 arrive et avec lui, la fin du délai prévu pour la rédaction de la Constitution. Les rumeurs les plus folles courent et des menaces de morts sont lancées à l'encontre de journalistes et de personnalités politiques de l'opposition.

Pendant ce temps, Hamadi Jebali - incapable de gouverner à cause de ministres faisant allégeance à Ghannouchi ou aux autres composantes de la Troïka - reconnait la nullité de celle-ci en matière de gouvernance et milite pour un gouvernement d'Union nationale. Beaucoup pensent qu'il s'agit d'un «montage» pour amender Ennahdha de la situation catastrophique du pays, mais la volonté d'enlever à ce parti la jouissance de l'Etat plaide pour la sincérité de Hamadi Jébali. Le mauvais scénario du remaniement ministériel s'éternise quand tout à coup, le 6 février 2013, le pays sombre dans le meurtre politique.

Chokri Belaid, le plus grand tribun de la Tunisie révolutionnaire tombe sous les balles d'un assassin. Les Tunisiens vont connaître des moments d'intensité exceptionnelle qui ont fait trembler Ennahdha et son gourou accusé par les manifestants de l'assassinat du leader. Le gourou fuit le pays et dans les jours qui suivent, tout est fait pour gâcher l'exceptionnel hommage de tout le pays : milices, bandits, interventions des intégristes…

Hamadi Jebali profite de ce moment très fort pour proposer la chute du gouvernement de la Troika et la mise en place d'un gouvernement uniquement formé de compétences. La proposition, très courageuse, calme le pays. Mais Ghannouchi, revenu de sa fuite fait passer, avec la complicité de quelques responsables du Joumhouri, une autre motion qui n'enlève à Ennahdha que les ministères régaliens.

Jebali démissionne. Il est bizarrement remplacé par le plus nul de tous les ministres, celui de l'Intérieur, Ali Laarayedh qui a jeté le pays dans une insécurité jamais vécue par les Tunisiens, jetant le pays dans une terrible crise de confiance.
Une accélération de la rédaction de la Constitution et des préparatifs des élections se fit sentir, mais la triche fait son entrée à la Constituante, au grand dam des élus, ceux de la majorité compris.

Au même moment, une série d'infiltrations de terroristes et d'explosions au Jebel Chaambi prouve que des intégristes préparent des attentats à grande échelle. L'Algérie qui vient de subir une lourde attaque terroriste à laquelle ont participé 11 Tunisiens est en alerte, ses signaux envers le gouvernement tunisien sont de plus en plus vigoureux. Ghannouchi ayant perdu l'appui des USA et subissant une fronde au sein même de son parti ne peut plus tergiverser.
La police, qui depuis des mois demande sans succès aux responsables de la laisser travailler, monte cette fois-ci au créneau, soutenue par la population et reprend le contrôle de la situation. Plusieurs caches d'armes sont découvertes et des réseaux d'activistes terroristes démantelés. Le ton monte contre les envois de «jihadistes» en Syrie et le rassemblement salafiste de Kairouan est interdit et les dépassements sévèrement réprimés.

Pendant ce temps à Chaambi, l'armée se dépêtre dans ce qui semble être les restes d'un plan intégriste non exécuté. Quel était ce plan? La dissémination d'armes, la présence de milices, la prédication intensive, l'ingérence qatarie, les menaces de mort contre les journalistes et les hommes politiques, les exécutions et la phagocytage de l'Etat par Ennahdha montrent que ce parti qui n'a jamais reculé devant l'emploi de la force a vu ses plans remis en cause.

dignité en Tunisie

La mobilisation sans faille des journalistes et de la société civile, la catastrophe économique, la nullité de la gestion de l'Etat, l'attaque de l'ambassade des USA et la mort de Chokri Belaid ont-ils empêché le changement radical de société que voulaient les faucons d'Ennahdha dirigés par Rached Ghannouchi sous les ordres des monarchies pétrolières?

Des forces étrangères tentent de soumettre la Tunisie
Les questions restent posées mais beaucoup de Tunisiens ont désormais compris que des forces étrangères tentent de soumettre leur pays par l'intermédiaire de faucons dirigés par Rached Ghannouchi. Désormais, l'avenir politique d'Ennahdha dépendra de la responsabilité de certains de ses dirigeants qui n'acceptent pas que la Tunisie reçoive ses ordres de l'étranger. Hamadi Jebali représente cette tendance. Originaire du Sahel, l'un des fiefs du nationalisme et de la lutte pour l'Indépendance, son nationalisme, et son esprit de tolérance plaident en faveur d'un renouveau de ce parti débarrassé de son manipulateur suprême qui n'a aucun respect pour la Tunisie et les Tunisiens et dont l'unique but est de servir ses maîtres du Golfe contre sa reconnaissance en tant que penseur de l'Islam et probable remplaçant d’un Qaradhaoui, en perte de vitesse.

Mais, comme tous les hommes limités et arrogants, Rached Ghannouchi a sous-estimé les Tunisiens. Il a sous-estimé la société civile qui n'a jamais failli à ses valeurs et qui à chaque fois que c'était nécessaire, est descendue dans la rue malgré les menaces, la violence et le terrorisme. Il a sous-estimé les journalistes qui ont fait un travail formidable, révélant les dépassements et les scandales d'une Nahdha qui n'a finalement pas grand-chose à envier au RCD. Il a enfin sous-estimé le désir de liberté des Tunisiens et leur besoin d'un vrai gouvernement. En fait, il a cru que la Tunisie n'était qu'un pays sans caractère, capable de tomber dans le piège de l'hypocrisie des commerçants de l'Islam. Il a cru que les Tunisiens étaient comme les chefs de partis, achetables, malléables, corruptibles. Bref il a cru que les Tunisiens lui diraient : Dieu dans les cieux et toi sur Terre...

A. B

Dieu dans les cieux, les Tunisiens sur Terre
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