Mardi, 27 Décembre 2011 23:33

abdslemLe parti Ennahdha doit faire face à une vague de critiques sans précédent sur ses relations avec des Etats du Golfe arabe, et le Qatar en particulier. Les attaques ont plus particulièrement visé le nouveau Ministre des Affaires Etrangères, accusé d’entretenir des relations «inavouables» avec l’Emirat. Curieusement, les critiques paraissent pour le moins sélectives. Deux poids deux mesures ?

Côté nahdhaoui, on relèvera que les gouvernements précédents, même sans la légitimité des urnes, n’ont pas été soumis à des assauts aussi virulents. Alors même que certains ministres avaient officiellement une deuxième nationalité, et qui plus est, celle de l’ex-puissance colonisatrice. Ainsi, l’ex-ministre des Transports, M. Yassine Brahim, ne cachait pas son deuxième passeport français.

M. Mehdi Houas,l’ex-ministre du Tourisme, avoue même, sans gêne apparente, ne pas maîtriser l’arabe, et ne pas savoir lire la langue officielle de la Tunisie. A coup sûr un cas des plus rares au monde. Dans quel Etat indépendant accepterait-on de bombarder ministre, un homme ou une femme, incapable de rédiger, ou de lire, des documents dans la langue officielle du pays ? Ces handicaps n’ont pourtant pas empêché M. Houas de tenter de faire son travail, dans une conjoncture particulièrement difficile, sans pour autant devoir faire face à une bronca comparable à celle que doit essuyer en ce moment M. Rafik Abdesslam. Pourtant, à notre connaissance, le ministre des Affaires Etrangères actuel est de nationalité exclusivement tunisienne, et personne ne met en doute sa maîtrise de l’arabe. Sauf que ce n’est pas sur ce point qu’il est attaqué, mais pour ses accointances satellitaires, et, ce ne sera pas le moindre des paradoxes, pour une méconnaissance supposée du français.

Al Jazeera, la chaîne que mes Tunisiens suivaient avec une attention sans faille au cours des plus dures journées de la Révolution, se retrouve, quelques mois plus tard, vilipendée. Et c’est à peine si certains ne vont pas jusqu’à accuser de trahison les quelques journalistes tunisiens qui travaillent pour la chaîne qatarie. C’est que la chaîne ne rayonne plus uniquement au niveau des satellites. Elle incarne désormais les ambitions émergentes du Qatar. Et les craintes francophones que notre pays ne rejoigne l’orbite de l’Emirat contribuent à attiser les flammes de la discorde.    

Bourguiba face à Ben Youssef
Le défunt Habib Bourguiba, qui déclamait du Lamartine, y est sans doute pour quelque chose dans cette proximité parfois affective qu’entretiennent certains de nos concitoyens avec une certaine idée de la France, même si, depuis Sarkozy, elle ne correspond plus nécessairement à la réalité. Le premier président tunisien conservait ainsi une photographie encadrée de Pierre Mendès France, sur son bureau. Les inclinaisons présidentielles ne pouvaient ainsi être plus mises en évidence. Or le bourguibisme, est encore vivace en Tunisie, et ceux qui entretiennent sa mémoire gardent une certaine distance voire une défiance vis-à-vis des autres Etats arabes en général, et ceux du golfe en particulier. Ce n’est sans doute pas par hasard, que Salah Ben Youssef, l’autre homme susceptible de prendre les commandes du navire Tunisie, à l’aube de l’Indépendance, a été assassiné. Mais aujourd’hui, la boucle paraît bouclée. Et on ose espérer que les pages meurtrières de notre histoire ont été définitivement tournées.

Mais visiblement, les Tunisiens semblent pour le moins partagés, entre un camp qui affiche des relations décomplexées avec l’Hexagone, et de l’autre, un parti  qui ne cache pas ses amitiés avec le Qatar et son sémillant émir. La ligne de démarcation qui semble ainsi diviser les Tunisiens délimite donc d’un côté les laïcs, plus ou moins modernistes, et de l’autre, les franges les plus traditionnalistes de la population. On assiste en somme, de nouveau, à une résurgence du face-à-face entre yousséfistes et bourguibistes. Or il s’agit des deux faces de la médaille identitaire tunisienne. Les uns et les autres devraient finir par accepter qu’il n’y a pas d’unanimisme dans la démocratie. Les désaccords doivent pouvoir s’exprimer, les débats s’enflammer, sans que l’on s’abaisse au niveau du caniveau. A une unique condition : celle du respect absolu de la souveraineté de la Tunisie.

Walid Ben Sahbi

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