Lundi, 11 Novembre 2013 13:07

Le jihad nikah, semble être un canular, une intox montée de toute pièce. Et ce sont des médias étrangers qui ont contribué à dévoiler le pot aux roses. Certains ministres ont-t-il voulu faire feu de tout bois dans l’objectif de discréditer les salafistes et d'en tirer des dividendes politiques?

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Le ministre de l'intérieur, M. Lotfi Ben Jeddou, a affirmé, le jeudi 19 septembre à la tribune de l’ANC, que «Vingt, trente, cent» djihadistes se relaient sur elles, au nom du «djihad al-nikah» («le djihad du sexe»), puis «elles nous reviennent enceintes».

Ce qui n’était donc qu’une rumeur, qu’une éventuelle opération d’intoxication menée par des médias pour discréditer les islamistes a acquis, du coup, une certaine crédibilité. Et pour cause : c’est un ministre, un représentant de l’Etat tunisien, qui évoque ouvertement la question, dans le très officiel hémicycle de l’ANC. Et il ne s’agit pas de n’importe quel représentant ministériel, mais du premier responsable de la sécurité des Tunisiens, celui qui est censé être le mieux informé sur ce qui se trame dans et autour de notre pays. A ce stade, Mag14 ne pouvait plus ignorer un sujet officiellement reconnu par un ministre de l’Etat. Et nous avons donc, à partir de là, commencé à publier des articles sur la question.

Une semaine plus tard, le 25 septembre, le ministre tentera pourtant d’atténuer ses propos en affirmant, dans un entretien diffusé par Mosaique FM, qu’il «ne s’agit pas d’un phénomène propre à la Tunisie», puisque «plusieurs pays même en Europe, souffrent du même problème qui touche par ailleurs tous les Etats arabes».

De son côté, la ministre des Affaires de la Femme et de la Famille, Sihem Badi, a également contribué à accréditer la thèse de la prévalence du djihad nikah, en déclarant, lors d’un congrès tenu à Hammamet, le 27 septembre 2013, «qu’il faut accorder une attention particulière aux victimes du Djihad du Nikah afin de les réintégrer dans la société». Mme Badi a aussi déclaré, sur les ondes de Shems Fm que «les jeunes filles enceintes sont prioritaires et qu’il faut éradiquer le djihad nikah», appelant par la même occasion les citoyens à porter à la connaissance des autorités les cas de ce phénomène».

Depuis, les commentaires, les déclarations de différents dirigeants politiques et de représentants de la société civile se multiplieront sur la question, donnant à ce scandale un retentissement international.

Et ce n’est qu’un mois plus tard, que le chef du gouvernement Ali Laâridh, démentira ses ministres, en affirmant que «l’institution sécuritaire qui ne dispose pas de preuves tangibles sur l’existence de ce phénomène». Sauf qu’entretemps, la question a fait le tour du monde. Dans les journaux du monde entier, l’image de la femme tunisienne a été jetée en pâture à la voracité médiatique, avec la complicité de relais (volontaires ou involontaires) locaux.

Or voici qu’il apparait qu’aujourd’hui, que le jihad nikah, semble être un canular, une intox montée de toute pièce. Et ce sont des médias étrangers qui ont contribué à dévoiler le pot aux roses. Radio France Internationale s’interrogera pourtant, dès le 27 septembre, sur «une forme de manipulation à des fins politiques». Et enfin une enquête, publiée le 9 novembre par le «Nouvel Observateur», lèvera les derniers pans du voile sur cette affaire.

A ce stade, certaines questions demeurent en suspens : le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a-t-il pu se contenter de relayer des rumeurs sans s’assurer de leur bienfondé ? Certains membres du gouvernement ont-t-il voulu faire feu de tout bois dans l’objectif de discréditer les salafistes ? Ennahdha a-t-elle voulu afficher plus de distance vis-à-vis d’extrémistes religieux aussi remuants qu’encombrants ? Des ministres peuvent-ils se permettre d’induire en erreur les Tunisiens et l’opinion internationale sur une question aussi sensible juste pour en tirer des dividendes politiques?  

Soufia Ben Achour

Jihad Nikah : A quoi joue le gouvernement?
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