Vendredi, 29 Novembre 2013 21:41

L’annonce de la publication par la présidence de la République du «Livre Noir» consacré au système médiatique de Ben Ali a fait l’effet d’une bombe. L’assainissement du secteur de la presse, l’une des principales revendications de la Révolution, est de nouveau sur la sellette.

Et selon nos premiers éléments d’information, l’essentiel des archives présidentielles concernant les hommes des médias a été publié dans cet ouvrage, et même les journalistes entretemps recyclés dans les machines de propagande partisane, n’ont pas échappé aux filets du Livre Noir. En clair, si quelques rares personnalités impliquées dans la corruption médiatique ont pu être épargnées, c’est tout simplement parce que les archives de la présidence de la République ne recèlent pas de preuves à charge sur leur compte. Le cas échéant, il est clair que l’omission délibérée de certains noms constituerait un coup terrible à l’institution à l’origine de cette publication.       

A noter que nos sources précisent que si certains ont pu se procurer une copie de l’ouvrage, imprimé sur les rotatives de l’Imprimerie Officiel, ce n’est que par le biais d’une inévitable fuite, et non par les canaux officiels. Car le livre noir n’a pas encore été officiellement distribué. Les critiques émises sur l’identité du directeur de la chaîne proche d’Ennahdha qui a révélé la diffusion prochaine du livre n’ont donc pas, a priori, et dans l’attente de vérifications plus approfondies, pas réellement de raison d’être. A noter que l’on apprend également que les différentes listes qui circulent sur les réseaux sociaux ne sont en pas issues de cet ouvrage, qui n’en finit pas de faire parler de lui. Et pour cause.

Lotfi Zitoun et le syndicat des journalistes
Le problème posé par les tout-puissants médias benalistes n’a jusqu’ici été qu’un épouvantail agité au gré des rapports de forces du moment. Lotfi Zitoun, l’homme qui a dans un premier temps réclamé à cors et à cris la reddition des comptes, a fini par exiger le silence quand Ali Laâridh, l’actuel chef du gouvernement à l’époque ministre de l’Intérieur, a affirmé vouloir clore le débat sur la question. Officiellement, pour ne pas «perturber la quiétude des familles des coupables».

Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), dont certains représentants ont d’abord exigé l’ouverture des archives du ministère de l’Intérieur, a fini par éluder la question après avoir essuyé le refus du gouvernement. Sauf que les initiatives du syndicat s’arrêteront là, dans une volonté proclamée de «ne pas diviser les rangs des journalistes». Quant à la justice transitionnelle, elle semble glisser sur la pente transactionnelle de moins en moins discrètement. Passant par profits et pertes, la brûlante question de la reddition des comptes. Mais une vie politique digne de ce nom, pourrait-elle se concevoir dans un environnement marqué par les allégeances rémunérées en sonnantes et trébuchantes?

Pendant ce temps, le président de la République essuie à un rythme quotidien le feu roulant d’une critique trop souvent sélective, qui traîne dans la boue les uns, en réservant à d’autres des articles systématiquement dithyrambiques. S’agiraient-il d’attaques préventives, destinées à discréditer d’avance, l’un des rares politiques qui a d’emblée affirmé sa volonté de remettre en cause le clientélisme et la corruption ? Et au-delà des errements de la présidence, de ses erreurs, et de ses approximations, ne faudrait-il pas plutôt saluer un geste qui répond enfin aux revendications de la révolution ?

Mieux vaut tard que jamais
L’initiative est certes tardive. De plus, elle intervient dans un contexte marqué par la banalisation du benalisme, et même par le retour fracassant sur la scène politico-médiatique de ses symboles les plus criards. Pis : les médias mauves ont depuis regagné presque tout le terrain perdu depuis le déclenchement de la Révolution, et paraissent que jamais dominer le paysage. Et voici que la dernière bombe médiatique de Marzouki menace de remettre les pendules à l’heure.

Paradoxalement, quelques voix s’élèvent, même parmi les opposants au Zabatisme, pour condamner l’initiative. Mais aurait-il été préférable de se taire à jamais et de clore définitivement les dossiers noirs pour une question de retard accumulé ? Par ailleurs, qu’est-ce qui pourrait justifier de garder indéfiniment le silence sur ceux qui se sont enrichis sur le dos de la collectivité ?

Mais les médias sont-ils les seuls incriminés ? Certainement pas. Selon nos informations, la présidence de la République ne compte pas s’arrêter à ce seul ouvrage consacré au marigot de la presse tunisienne. D’autres publications basées sur les archives du palais de Carthage suivront, et s’attaqueront aux autres secteurs gangrenés par la corruption. Ce n’est donc que le premier épisode du feuilleton.

Moez El Kahlaoui

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Livre Noir : La bombe de Marzouki
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