Tribune. L’acquittement d’Azyz Amami et Sabri Ben Mlouka est une première dans l’histoire de la Tunisie : pour une fois, la sentence constitue une condamnation sans équivoque des méthodes de la police et du parquet, qui a entériné « l’enquête » policière et déféré les « suspects » au tribunal. Par Gilbert Naccache
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L’acquittement d’Azyz Amami et Sabri Ben Mlouka est une première dans l’histoire de la Tunisie, non seulement de la révolution, mais depuis l’indépendance : pour une fois, les attendus de la sentence constituent une condamnation sans équivoque des méthodes de la police (forme d’interrogatoire, présentation de preuves, etc.) et du parquet, qui a entériné « l’enquête » policière et déféré les « suspects » au tribunal.
N’eussent été ces éléments, on aurait pu penser que le jugement rendu est une décision politique du pouvoir exécutif, qui avait peur de la protestation de la jeunesse, d’autant plus que les cinq jeunes arrêtés à Gafsa ont, eux aussi, été libérés. De toute manière, il y a, dans ce jugement ,un aspect politique incontestable : en insistant sur l’absence totale du respect des garanties des droits de la défense et en suivant les arguments de la défense, le tribunal pose l’indépendance de la justice, responsable uniquement devant la loi, comme un acquis, et installe de fait la justice dans son rôle de troisième pouvoir, tel qu’il est défini par la constitution.
Ce jugement fera incontestablement jurisprudence, car il est clair que, malgré les pressions qu’elle continuera de subir, la justice y trouvera matière à exercer pleinement son rôle de gardienne de la légalité, et que de nombreux juges sauront en tirer parti : la deuxième république naissante découvre dans ses responsables une nouvelle fraction de ceux qui ne veulent pas que ses règles constitutionnelles restent lettre morte et que perdure le pouvoir absolu d’une police qui a peut bien se proclamer républicaine, alors qu’elle se voudrait un pouvoir absolu et incontesté.
Si on doit se réjouir avec Azyz et Sabri de la fin de leur captivité, il reste à souhaiter que les plaintes contre les policiers tortionnaires soient suivies d’effets et que le premier pas franchi dans la voie de la réhabilitation de la justice soit rapidement suivi d’autres : la justice est saisie de nombreuses affaires d »actes révolutionnaires, en particulier d’incendies de postes de police pendant le déroulement de la révolution, qu’elle montre, en attendant une loi d’amnistie générale de ces faits, que la révolution a rendu sa dignité, non seulement au peuple tunisien, mais également à cette institution fondamentale de la république, le pouvoir judiciaire.
G.N