Mardi, 16 Septembre 2014 16:08

Tribune. La politique, chez ces gens-là, n'est pas un duel amical à fleurets mouchetés, elle n'est même plus de la simple politique, elle est une affaire de gros sous, un business où on peut espérer tirer de très grands profits de ses bribes de pouvoirs. Par Gilbert Naccache.

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J'avais écrit, dans un article intitulé Langage et contre-révolution, publié le 29 janvier 2012 « son [celui de Béji Caïd Essebsi] rôle était le même : permettre aux destouriens (les RCD et ceux d'avant) de revenir sur la scène politique malgré la fureur du peuple contre eux. »

Aujourd'hui, on peut dire que sa mission a été (brillamment) accomplie et que le vieux combattant de première ligne de la réaction est en droit d'espérer,en signe de reconnaissance pour les services rendus, que tous les réactionnaires et les profiteurs de l'ancien régime lui permettent,en se regroupant derrière sa candidature, de mourir en ayant réalisé son rêve : être Président de la République. Peu lui importe que cette fonction ait été vidée de son contenu et que le président sera loin d'avoir le pouvoir – et le prestige supposé –qu'il avait du temps de Bourguiba et de Ben Ali, il voudrait seulement savourer, pour le temps qui lui reste, cet ersatz de pouvoir.

Las ! La faiblesse des hommes de pouvoir est connue, et leur ingratitude aussi ! Sitôt soulagés par leur rapide et inespéré retour sur la scène politique, les seconds et troisièmes couteaux du parrain déchu se voient tous au pinacle, persuadés d'être capables de jouer le premier rôle, maintenant qu'ils ne sont plus tenus par l'obséquieuse obéissance qu'ils manifestaient à l'ex-dictateur et patron suprême de la mafia. Ils se voient tous « calife à la place du calife », oubliant qu'ils n'auraient pu faire de tels rêves sans l'inlassable activité de celui qui avait su manipuler les « démocrates » pour leur faire tirer les marrons du feu et lui ramener la petite-bourgeoisie apeurée, et qui, en arroseur arrosé, se trouvait maintenant trahi de la même façon par les siens.

Mais la politique, chez ces gens-là, n'est pas un duel amical à fleurets mouchetés, elle n'est même plus de la simple politique, elle est une affaire de gros sous, un business où on peut espérer tirer de très grands profits de ses bribes de pouvoirs. Et tous ces apprentis parrains de mafia n'ont pas de temps à perdre en inutile reconnaissance : même si leur candidature ne leur rapporte pas le pouvoir, elle peut toujours, espèrent-ils, leur procurer uns certaine immunité face au danger que représente cette instance « Vérité et Dignité » dont Caïd Essebsi n'a même pas su empêcher la création...

Et devant la multiplication des « gros bras », chacun prétendument assuré du soutien de tel ou tel nouveau milliardaire, la valetaille s'éparpille, les rats quittent le navire, offrant leurs services à qui en veut.

Spectacle désolant que celui du patriarche perdant ses forces physiques et politiques, ayant renvoyé à leurs illusions démocratiques ceux que la peur du loup avait poussés à lui demander sa protection, trahis par tous ceux qu'il avait contribué à relever la tête : il continue à parader devant des gens dont l'enthousiasme est de plus en plus douteux, et consacre désormais une partie de ses récriminations à tous ces traîtres, qui n'ont même pas attendu qu'il soit au pouvoir pour l'assassiner, pâle et ridicule réincarnation de son maître Bourguiba, qu'il n'avait pas eu le courage de défendre en son temps.

Vae victis, disaient les Romains, et, malgré tous les sondages complaisants qui le réconfortaient, Béji Caïd Essebsi se rend aux urnes sous de bien mauvais auspices : son œuvre maîtresse, Nidaa Tounes, est en train d'être démolie comme de vulgaires échafaudages à la fin de la construction d'un bâtiment, et n'étant même pas assuré que ce bâtiment auquel ils auront servi aura quelque avenir ! Mais Marx ne l'avait-il pas dit : « L'histoire se répète souvent, mais si la première fois c'est une tragédie, la seconde fois, elle ressemble à une farce. » La tentative de se couler dans les bottes de Bourguiba finira-t-elle en une farce bouffonne ?

Caid Essebsi: Fin de mission
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