Mardi, 24 Janvier 2012 14:46

sadok-chourou«Crucifixion, amputation d’une jambe ou d’une main». Tels sont les possibles recours énumérés par Sadok Chourou, député de l’Assemblée Constituante d’Ennahdha, vis-à-vis des contestataires et autres sitinneurs qui, selon lui, empêchent le gouvernement de faire son travail.

Ces bonnes paroles, étayées de versets coraniques, ont été prononcées par M. Chourou lors de la séance du lundi 23 janvier, le jour où des journalistes et des intellectuels se sont faits agresser, devant le tribunal, à Bab Bnet, au cœur de Tunis, lors du procès de Nessma TV.

Autant dire que les propos de Sadok Chourou ont soulevé un tsunami de protestation. Mais les militants d’Ennahdha se sont empressés de défendre les paroles du cheikh, les justifiant comme étant une parabole, une métaphore, destinée à refléter la gravité des agissements des contestataires. Mieux : ces mêmes supporters, précisent, sur les pages qui leurs sont dédiées sur les réseaux sociaux, que le cheikh n’a menacé personne. S’empressant de rappeler qu’au regard de la loi tunisienne, les sitinneurs et autres «coupeurs de routes» pourraient s’exposer «à cinq ans de prison, ou même à la détention à perpétuité, et même, dans certains cas, à la peine de mort». Rien que ça. En clair, les militants de ce même parti, ne récusent aucunement les propos de leur représentant, mais les justifient.

On  aura pourtant remarqué une plus grande pondération du côté du premier ministre et secrétaire général nahdhaoui, Hamadi Jebali, qui a clairement condamné les violences dirigées contre les journalistes, et a appelé à l’application de la loi contre les fauteurs de troubles, quels qu'ils soient. Or visiblement, tous les Nahdhaouis ne tiennent pas le même langage. Deux hypothèses sont donc à prendre en compte :

  • Les différences entre les divers courants de ce même parti aujourd’hui dominant sont de plus en plus marquées, et s’expriment désormais ouvertement, quitte à rebuter un électorat majoritairement modéré.
  • Ce ne sont pas de réelles différences de position, mais une distribution des rôles, pour jouer sur les deux tableaux. Une facette modérée pour séduire le Tunisien moyen, et côté pile, un discours proche du salafisme, pour bénéficier du soutien des extrémistes, toujours bienvenus dans les manifs. Une nouvelle expression du double-langage, en somme.

Or ce qui pouvait passer inaperçu avant l’émergence des médias citoyens, ne peut plus faire longtemps illusion. En ce mardi 24 janvier, à la faculté de la Manouba, les salafistes ont de nouveau perturbé violemment les activités de l’université, alors même que les étudiants passaient les examens semestriels. Dans ce contexte, les paroles de Sadok Chourou, ne sont plus facilement défendables, et le parti au pouvoir ne peut plus prétendre esquiver plus longtemps cette question. Si les salafistes demeurent une infime minorité en Tunisie, ils font cependant tout pour se faire remarquer, et n’hésitent plus à attaquer les médias de front.

Ennahdha se trouve donc face à un choix qui ne peut plus être indéfiniment retardé. Faire taire clairement et sans équivoque les voix des extrémistes en son sein quitte à s’en séparer. Ou continuer à se taire, et donc prendre faits et causes pour les éléments durs aux tendances salafistes affichées. Pour rappel, l’AKP de Tayyip Reccep Erdogan que les Nahdhaouis aiment à citer en exemple, est issu d’une scission du Refah, le parti fondé par Neccmettin Erbakan. Et la séparation ne s’est pas vraiment faite à l’amiable. Le sémillant premier ministre turc a ainsi été accusé par ses pairs islamisants de trahison, ce qui ne l’a pas empêché de mener sa barque, avec les résultats que l’on connaît. Or jusqu’ici, rien de tel n’a été effectué au sein d’Ennahdha. Les responsables de ce mouvement tunisien continuent de souffler le chaud et le froid, de mixer les paroles apaisantes, avec les appels à la crucifixion. Mais au vu de la gravité de la situation, il leur faudra pourtant trancher, et dans les plus brefs délais.

Marwene El Gabsi

Sadok Chourou : Ennahdha doit trancher
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