Tribune. Les événements affligeants qui se sont déroulés vendredi dernier à l'ambassade US étaient tout à fait prévisibles. Ces derniers dix mois ont été rythmés par une série d’atteintes à l’intégrité physique des journalistes, des intellectuels, des artistes… Et le problème ne se pose pas en termes de texte de loi imposant le « respect du sacré ». Par Ridha Ben Slama
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“Quant à vouloir s’imposer à ses concitoyens par la violence, c’est toujours chose odieuse même si l'on se donne pour but de réformer des abus”.
Salluste- Guerre de Jugurtha. III. Historiens romains, Gallimard, 1984, t.I. p. 670.
Je n’ai pas l’intention de traiter de ce brouillamini délirant au sujet du « film » provocateur anti-islam et ses répercussions démesurées orchestrées par ceux qui ont une lecture de l'islam complètement étrangère à cette religion. D’autres personnes se sont parfaitement chargées de démonter les ressorts de cette machine infernale qui s'échauffe de temps à autres avec les mêmes démonstrations ahurissantes.
Contrairement à ce que certains gourous continuent à marteler, le problème le plus impérieux ne se pose pas actuellement en termes de texte de loi imposant le « respect du sacré ». Le nœud du problème est le recours de cette frange fascisante à une violence inhabituelle dans notre société d'une part et l’abstention des autorités de les dissuader et d’appliquer la loi contre ceux qui commettent ces actes répréhensibles d'autre part.
Il nous faut convenir que les événements regrettables et affligeants qui viennent de se dérouler jeudi 14 septembre étaient tout à fait prévisibles. Ces derniers dix mois ont été rythmés par une série d’atteintes à l’intégrité physique des journalistes, des intellectuels, des artistes etc … Une énumération non exhaustive de ces violences nous laissent perplexes :
Sans parler des menaces de mort proférées par des individus appartenant à cette mouvance ou proche d'elle contre des chefs de partis politiques, des membres d'association de la société civile etc … alors que ceux qui semblent tenir les commandes ne daignent pas stopper efficacement le phénomène destructeur qui se propage. Comme si cette posture s’inscrivait dans une logique de calculs politiques malsains. Ne connaissent-ils pas le l’adage : qui sème le vent récolte la tempête ! Tant de voix se sont élevées dénonçant le « laxisme », pour ne pas dire la connivence, des gouvernants devant la montée de cette forme d'extrémisme fascisant et incriminant l’instrumentalisation de ces groupuscules salafistes.
Il y a une autre dimension à cette violence qu’on avait crue disparue à jamais : celle de l´utilisation de la force au-delà des cadres institutionnels par les agents de l’Etat censés protéger et sécuriser les citoyens. Elle est d´autant plus insupportable et scandaleuse qu´elle semble confirmer que peu de choses ont changé avec la révolution et l’ébauche d’un ordre constitutionnel avant-gardiste. La fréquence de ces interventions policières musclées ne peut pas être séparée de l´extension de la délinquance politique, non seulement en raison de leur brutalité mais aussi du fait de l´utilisation illégale, aux limites de la clandestinité, d´un pouvoir dit légitime. Sans négliger l’expansion du sentiment d’impunité qui met la « Justice » en accusation.
Au lieu de se concentrer sur l’essentiel, à savoir bannir l’usage de la violence en mettant en place les procédures plus opérantes avec la rigueur appropriée, seul remède à la situation dans laquelle nous nous trouvons, des hiérarques théocrates continuent dans leur fuite en avant à exploiter cette « opportunité » pour nous ressortir l’exigence d’une loi sur le respect du sacré !
Avec ce qui vient de se passer à l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, un espoir ténu réapparait pour que les stratèges d'Ennahdha se réveillent et tirent les leçons de cette politique suicidaire pour eux et pour le pays. Sauront-ils se retenir de jouer aux apprentis sorciers en acceptant de revoir humblement leur copie dans une optique consensuelle ? Quant à l’administration américaine qui soutient les islamistes dits « modérés » dans les pays qui ont défait leur dictateur, va-t-elle continuer à se rassurer que cet islam politique conservateur et rétrograde lui garantira la sauvegarde de ses intérêts ?
Si on veut véritablement mettre un terme à la violence des extrémistes, qui compromet le processus démocratique dans son en ensemble, ce sont surtout les têtes pensantes qu'il faut appréhender. L’échec patent de ce gouvernement provisoire à maitriser la violence de ses auxiliaires sonne le glas à sa fourberie politicienne. Est-ce que Ennahdha comprendrait qu’elle était sur une mauvaise voie et saurait définitivement conjurer la sous-traitance de la violence politique ? Que les responsables d'Ennahdha commencent d’abord par condamner fermement et sans détours ceux qui profèrent des discours enflammés appelant au meurtre et qui incitent à l’emploi de la violence contre des adversaires politiques ou tout simplement contre ceux qui ne correspondent pas à leurs « critères de dévotion" parmi les citoyens.
Aujourd’hui, une quasi-unanimité se confirme pour dire à la Troïka : cette situation ne peut plus se poursuivre sans plonger la Tunisie dans la tourmente et causer aux Tunisiens de graves préjudices irréparables.
Alors, vous qui tenez les rênes du pouvoir pour quelques semaines encore, vous portez la plus grande responsabilité devant l'Histoire, une très lourde responsabilité. Etes-vous capables encore de vous ressaisir avant le 23 octobre 2012 ? Aurez-vous l’intelligence de vous comporter en patriotes en admettant l’exigence d’agir avec toutes les forces vives de la Tunisie pour franchir ce cap chargé de tous les périls vers des horizons plus cléments ?
Ridha Ben Slama
Auteur de "Libertés fondamentales et mode de corruption des systèmes"- Editions Thélès- France – février 2010.
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