Dimanche, 26 Février 2012 23:23

wajdi-ghanim-tarek ramadanTarek Ramadan, brillant petit-fils du fondateur des frères Musulman, s’exprime en français dans des conférences chics et chocs, comme ce dimanche 26 février, au Palais des Congrès. Wajdi Ghanim prêche en arabe dialectal égyptien, et a commencé son périple dans une coupole d’El Menzah pleine à craquer, avant de faire la tournée des mosquées.

Ghanim attirera les foules, soulèvera la polémique, et selon certains, il aura même contribué à polariser l’opinion publique tunisienne, et à la diviser en deux camps virulemment opposés. Maya Jeribi le considérant même comme le responsable des événements violents du 23 février, menés par des salafistes à Jendouba. C’est dire que l’influence attribuée à Ghanim est importante. Le président de la République lui-même finira par réagir en le traitant lui et son public de «microbes» lors d’une interview télévisée diffusée le 15 février, avant de se rétracter le lendemain en s’excusant sur la page Facebook présidentielle. Tarek Ramadan, par contre, sera reçu par Moncef Marzouki, et pourra ainsi «poser des questions» au président, comme l’a affirmé publiquement le sémillant «penseur musulman». Ramadan a été invité par une librairie (en l’occurrence Al Kitab), quand Ghanim est l’hôte d’associations salafistes.

Ainsi, la bourgeoisie et le tiers Etat strictement arabophone auront, les deux, leur part de discours religieux.  Tarek Ramadan (sait-il vraiment parler arabe ?) visera l’élite francophone, par définition minoritaire, mais fortes de sa position sociale (encore) dominante. Le fan club de Ramadan sera en grande partie composé de jeunes femmes, séduites par l’éloquence et l’élégance naturelle du suisse d’origine égyptienne qui a choisi le français pour véhiculer ses idées. Les adeptes de Ghanim, eux, sont plutôt des hommes à la pilosité développée, pour qui les francophones sont des «déchets de la colonisation». Mais finalement, à eux deux, ils permettront aux deux composantes de la société tunisienne de s’imprégner d’une vision politique très fortement teintée de conservatisme religieux.

Le match a beau se jouer en Tunisie, on remarquera que ce sont avant tout deux stars égyptiennes qui se sont indirectement affrontées. Les Tunisiens se contenteront du rôle du supporter, ou du détracteur (le fameux «tannbir » à la tunisienne). Parce qu’à l’échelle locale, aucun intellectuel tunisien n’est véritablement parvenu à se détacher du lot, au point de faire déplacer les foules, ou de susciter un début de débat. Aucun prêcheur tunisien n’a suscité les passions qu’a cristallisées le défenseur de l’excision. Il faut dire que les espaces médiatiques, en Tunisie, étaient verrouillés, ne permettant pas à qui que ce soit de percer l’abcès. Et après la Révolution du 14 janvier, nos hommes politiques ont la fâcheuse tendance à balbutier devant les médias, et les plus brillants d’entre eux, n’ont pas fini de s’empêtrer dans leurs contradictions, jusqu’à être accusés de double-langage.

En Egypte, par contre, si les Frères Musulmans, les descendants des partisans du grand-père de Ramadan ont été passablement bâillonnés sous Moubarak, les salafistes, eux, disposaient même de leurs chaînes satellitaires, gracieusement diffusées via Nilesat. Quant à Ramadan, bon an mal an, il aura fourbi ses armes de séduction massive sur les plateaux des télévisions françaises, et dans les meilleures universités européennes. Il se permettra ainsi de donner du haut de sa chaire d’Oxford, ou de son estrade à la Beit El Hekma, des conseils à l’intelligentsia tunisienne hypnotisée, faisant passer notre Révolution pour un soulèvement, entaché, selon lui, par des manipulations américaines.

En somme, avec Ghanim ou Ramadan, les Tunisiens se font remonter les bretelles par des frères venus d’ailleurs. L’un considérant que nous sommes un peuple en perdition à «réislamiser» d’urgence, l’autre voulant accorder les violons des élites pour harmoniser  leurs mélodies aux entêtantes notes islamisantes. Pendant ce temps, les fils de la Tunisie affrontent les inondations, à Bou Salem, et les barrages de la raison menacent de céder. Et qu’importe finalement que ce soit Ghanim ou Ramadan, qui récolte un déluge d’ovations.

Soufia Ben Achour

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