C’est sur les rythmes chaloupés du reggae, rehaussés par le son vibrionnant et entrainant des cuivres, que l’on appréciera la «Caméra cachée», le dernier titre concocté par Bendirman et Vipa, le rappeur tunisien à la rage rentrée.

Avec en prime des lyrics ironiques, se répandant en sarcasmes sur la situation de la Tunisie «révolutionnaire», sur fond de répression policière. Des paroles qui font la part belle à un humour acide, fredonnées sur l’air du temps, et marquées profondément par la désillusion.

Quant au clip, autant dire qu’il décoiffe. Il alignera, dans une version de dessins animés, toutes les stars des réseaux sociaux tunisiens, avec notamment Emel Mathlouthi raillée (encore une fois) pour l’occasion, en passant par son tube (dégonflé) sur le préfet, le mo3tamed qui aurait tué, à en croire la chanson, le martyr Chokri Belaid. Sans oublier, «El Anngour», ce personnage facebookien qui enchaîne les gros mots, en revendiquant les 200 dinars d’aide aux chômeurs diplômés que le gouvernement a supprimés (les dinars pas les chômeurs), tout en affichant une paradoxale sympathie pour les salafistes. Tout comme la ministre Sihem Badi, qui apparait également sous les traits du cordonnier vraiment mal chaussé. Et actualité oblige, Amina, l’activiste aux seins nus, s’exhibe cette fois-ci encadrée par un Rached Ghannouchi qui entre dans la danse en compagnie de Samir Dilou.

La chanson nous entraîne, dans un enchaînement d’événements et une myriade de personnages burlesques, avec en tête d’affiche le président de la République et le chef du gouvernement caricaturés au point de donner au paysage politique tunisien des allures de caméra cachée.

Au final, si la mélodie est légère et enlevée, les paroles nous feront rire jaune. Sarcastiques mais très critiques, elles nous rappelleront au passage, et avec le sourire, les ravages du chômage et de l’inflation, et cette constitution que l’on ne finit pas d’attendre.

La chanson humoristique, que l’on croyait avoir perdu de vue depuis les années 70 du siècle dernier, avec la disparition de Hédi Semlali, Hamadi Jaziri, et consorts, retrouve donc aujourd’hui un nouveau souffle, grâce à l’initiative et la créativité de jeunes artistes, comme Bendirman. Mais la bande FM squattée par la guimauve mainstream leur accordera-t-elle la place qu’ils méritent ? Rien n’est moins sûr. Parce que même sur les ondes, la Révolution a désormais des allures d’un mauvais sketch, filmé par une caméra cachée.

Soufia B.A

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