Vendredi, 23 Mars 2012 19:52

bourguiba-lazhar-chraitiA peine Ben Ali déboulonné de son piédestal, et voici que certains prétendent ramener la statue du vieux commandeur au cœur de la capitale. Une conférence prétend ainsi lancer un «appel à la Nation» le samedi 24 mars, à Monastir, avec pour figure de proue, l’ineffable Caïd Sebssi.

«Lorsque (…) l’Histoire prendra le pas sur l’actualité, Habib Bourguiba sortira alors du purgatoire et la statue équestre du plus illustre des Tunisiens reprendra sa place à Tunis, sur l’avenue Habib-Bourguiba». C’est sur ces mots que s’achève «Le bon grain et l’ivraie», le livre qu’a consacré l’ex-premier ministre provisoire, au premier président tunisien, en 2009, alors que le règne de la kleptocratie Benaliste tirait vers sa fin.

caid-essebsi-monastirEt comme pour réaliser sa «prophétie», voici que Caid Essebsi bat le rappel des rescapés du bourguibisme, sans négliger les quelques vestiges du RCD qui tentent de maintenir le cap face à la tempête, espérant voir le vent tourner. La galaxie des avatars du Destour croit déjà avoir trouvé son soleil. Quelques ministres sur le retour, des hommes d’affaires dans la tourmente, se voient déjà constituer le nouvel axe orbital.

En attendant, les dossiers noirs du bourguibisme sont ouverts. Les victimes encore vivantes, les descendants de ceux qui ont subi les tortures au bagne de Borj Erroumi, pointent du doigt Béji Caid Essebsi, ex directeur de la sûreté nationale en 1962, puis ministre de l’Intérieur de 1965 à 1969, de celui qui allait s’introniser président à vie.

Parce que Bourguiba ne s’est pas contenté de libérer la femme et de codifier l’exemplaire Statut Personnel. Il se faisait aussi filmer en train de nager à Skanès-Monastir, histoire de rappeler à ses sujets, qu’il n’était pas près de boire la tasse, même quand il sifflait publiquement du jus d’orange en plein Ramadan. D’autres préféreront retenir les fulgurances visionnaires des discours du Palmarium ou de Jéricho. C’est selon. Mais la torture, c’est sous son ère qu’elle a été érigée en institution comme le rappelle Gilbert Naccache, qui a écrit parmi les plus belles pages de notre littérature carcérale nationale, traçant les contours de l’indicible et de l’abominable innommable.

lazhar-chraitiSeulement voilà. Le temps efface les traces des souvenirs sanglants, laissant poindre l’éclat crépusculaire du Père d’une Nation accouchée aux forceps d’une «poussière d’individus». Des Tunisiens désorientés semblent prêts à prier le totem du Combattant Suprême pour évoquer ses mânes quand d’autres ne songent qu’à tuer le père, pour se débarrasser définitivement des figures tutélaires. Même si les inconsolables orphelins préféreront passer une  nouvelle fois par profits et pertes, les éternels oubliés, le charbon de la Révolution. De Gafsa à Sidi Bouzid, doit-on se résigner à voir la mémoire de Lazhar Chraïti assassinée pour que le Destour puisse à Monastir de nouveau pavoiser?

Oualid Chine

Caid Essebsi, Bourguiba et le spectre de Lazhar Chraïti
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