Jeudi, 16 Août 2012 04:59

rire-barbeAprès la panique plastique à El Abdellya, de La Marsa voici que les salafistes remettent le couvert en poussant Lotfi Abdelli à annuler mardi, un spectacle pourtant intitulé «100% Halel», à Menzel Boruguiba. Le parti Ennahda a beau jeu de condamner cette attaque, et le ministère de la Culture peut toujours dénoncer cette énième atteinte à la liberté d'expression. Les brigades pour la répression du vice et la promotion de la vertu continueront imperturbablement leur noble tâche. Il en va de notre salut.

Et voici que le concert de Lotfi Bouchnaq, en cette soirée du mercredi 15 août, est perturbé à Kairouan. A cause des chanteurs iraniens, nous dit-on. Or il est bien connu que l’on ne saurait recevoir les émissaires de l’Iran chiite en terre sunnite sans précautions. C’est pour cela que nos salafistes ont voulu protéger nos oreilles des pernicieux chants persans. Les chanteurs d’Iran s’en iront donc sans chanter. Le soufisme ne suffira pas à transcender les divisions.

Le ministère de la Culture s’en est trouvé fort gêné aux entournures. Même si depuis avoir lancé l’anathème sur la base de photo sur les réseaux sociaux, il paraît vacciné. Mais tout de même. Que l’on en vienne ainsi à perturber la bonne marche des spectacles d’été, voilà qui ne donne pas une haute idée de ses prérogatives et de nos traditionnelles festivités.

lotfi-abdelliPar patriotisme, et dans le souci de faire notre devoir de presse critique mais toujours constructive, nous nous permettons de proposer une solution à ces inacceptables dépassements. Nous proposons que des comités destinés à étudier la conformité des spectacles avec les prescriptions de la religion puissent examiner au préalable toute proposition artistique pour en juger d’avance la décence.

Les personnalités chargées d’étudier l’innocuité des spectacles devraient être recrutées parmi les groupes salafistes les plus rigoristes. On n’est jamais trop prudent. Car sinon, comment prévoir si ce qui est jugé religieusement correct par les plus permissifs, ne sera pas considéré comme scandaleux par d’autres ? Pas de demi-mesure donc.

Ce qui évitera aux férus d’arts, aux passionnés de musique, aux amoureux de la peinture, bien des désagréments. Ils n’auront plus ainsi à se déplacer, pour se retrouver sur les lieux et apprendre que la représentation, le concert, ou l’exposition, a été annulé. Une frustration en moins, donc. Une initiative qui fera aussi baisser la pression, et apaiser la tension du côté des forces de l’ordre. Ils ne savent vraiment plus à quel saint se vouer, les pauvres, dans l’absence manifeste d’instructions. Voici donc une solution pour éviter les dilemmes barbants.

Quant à l’humour, on ne pourra que le proscrire. Une décision certes douloureuse, mais les sacrifices sont nécessaires, en ces temps difficiles. La préservation de l’harmonie, et de la cohabitation pacifique entre les différentes catégories de la population est à ce prix. Le rire est en effet trop souvent à double-sens, voire à contre-sens.  Et on ne sait toujours pas déterminer avec exactitude les dégâts potentiels de la divine comédie. Quant aux irréductibles, les résistants, ceux qui tiennent à cette extravagance d’un autre temps, ils auront toujours, en dernier recours, la possibilité de rire dans leur barbe. Pour éviter d’en pleurer publiquement.

Oualid Chine

Tunisie : Interdit de rire dans sa barbe
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