Le président de la République, M. Moncef Marzouki n'a pas été bien accueilli, ce lundi 17 décembre, à Sidi Bouzid, où il était venu se recueillir pour le deuxième anniversaire de la Révolution Tunisienne. M. Marzouki a déposé dans la matinée une gerbe de fleurs sur la tombe de Mohamed Bouazizi, qui s'était immolé par le feu le 17 décembre 2010 pour dénoncer les brimades policières et la pauvreté. Le président de la République a alors été pris à parti par les Bouzidis.
«Vous êtes venus il y a un an et vous aviez promis que les choses allaient changer sous six mois, mais rien n'a changé» a lancé un manifestant. «On ne veut pas de vous ici», s'est exclamé un autre.
M. Marzouki a répliqué que les autorités «n'avaient pas de baguette magique». Le chef de l'Etat a ensuite prononcé un discours devant la préfecture, là où Mohamed Bouazizi s'était immolé. Quelque deux à trois mille personnes étaient réunies sur cette place en milieu de matinée. Et la situation a fini par dégénérer.
Des manifestants ont jeté des pierres contre Marzouki et le président de l’Assemblée Nationale Constituante, M. Mustapha Ben Jaafar. Les jets ont commencé après un discours de M. Marzouki et alors que M. Ben Jaafar s'apprêtait à prendre la parole. Le service d'ordre a rapidement évacué les deux dirigeants, a constaté un journaliste de l'AFP.
En scandant «le peuple veut la chute du gouvernement», les manifestants ont aussi envahi le parvis sur lequel était montée la tribune où le chef de l'Etat s'était exprimé. Lorsque le président tunisien a pris la parole, une grande partie des 5.000 personnes réunies sur la place ont scandé «Dégage, dégage».
Copieusement sifflé, M. Marzouki a promis des progrès économiques sous six mois aux habitants de Sidi Bouzid. «Je comprends cette colère légitime, mais le gouvernement a diagnostiqué le mal. Dans six mois, un gouvernement stable sera en place et livrera les médicaments pour guérir le mal du pays», a-t-il déclaré. «Pour la première fois, nous avons un gouvernement qui ne vole pas le peuple», a-t-il encore dit, hué par les manifestants.
A noter que le chef du gouvernement, M. Hamadi Jebali, a annoncé, dans la soirée du 16 décembre, qu’il prenait deux jours de congé de maladie, pour le dimanche et ce lundi 17 décembre, échappant ainsi de justesse à la «fête» de la Révolution.
Selon le ministère tunisien de l'Industrie, les investissements ont chuté de 36% dans la région de Sidi Bouzid, et les offres d'emplois de 24,3% sur les 11 premiers mois de l'année par rapport à la même période un an plus tôt.
Dix des organisateurs du festival Bouazizi, célébrant le déclenchement de la Révolution ont ainsi démissionné la semaine dernière en dénonçant la "mainmise" d’Ennahdha sur l'organisation des événements.
80% des dossiers des martyrs de la Révolution ont été classés par la justice militaire. Deux ans n’ont pas suffi pour que la vérité éclate au grand jour. Les soupçons deviennent de plus en plus pesants. Alors que l'état d'urgence instauré le jour de la fuite de Ben Ali et donnant des pouvoirs accrus à l'armée et à la police, est toujours en vigueur.
Afp