Mercredi, 26 Février 2014 16:52

Tribune. La bonne vielle machine de Ben Ali vient de proclamer, sous un déluge de calomnies et d’insultes, son opposition à ma candidature à « l’Instance Vérité dignité » (IVD), à travers ses hommes de main «médiatiques». Cette énième cabale ne me surprend pas, au contraire. Par Sihem Bensedrine

Après avoir échoué à faire dérailler le processus de justice transitionnelle, ils tentent aujourd’hui de neutraliser l’IVD et de la détourner de son mandat initial.

Il est important de préciser que cette institution-clé dans la consolidation de la transition démocratique est destinée à parachever le démantèlement de la dictature. Cette institution ne saurait faire preuve de « neutralité » vis-à-vis des vestiges structurels et culturels de l’ancien régime ; on attend d’elle de faire toute la lumière sur les violations massives des droits des Tunisien(ne)s perpétrées durant plus d’un demi-siècle. Ses membres seront tenus de ne pas se laisser intimider par les menaces, insinuations, pressions et autres campagnes visant à les détourner de leurs objectifs ; ils ont la responsabilité de débusquer les faits relatifs à cette mission, établir la vérité, restituer les droits, pointer les dysfonctionnements, convaincre les responsables des violations de collaborer et de s’impliquer en vue de leur réhabilitation réelle, préférable à une avilissante quête de l’impunité !

Les porte-paroles des lobbies de l’ancien régime souhaitent faire « table rase », éliminant  ainsi de la mémoire collective les précieux acquis de la résistance et laissant la société aussi désarmée face aux probables résurgences despotiques qu’un organisme livré sans anticorps à l’infection. Exhumations d’archives, collectes de témoignages des différents protagonistes, confrontations, recoupements…etc,  la puissance publique sera d’une nécessité vitale pour orienter ce processus vers l’établissement d‘une paix durable basée sur vérité, justice, réhabilitation, compensations…

Les réseaux devront être déterrés, et les responsabilités établies afin de nous prémunir contre les résurgences probables des tentations despotiques. Voilà ce que les Tunisiens attendent de l’IVD.

«Plus que le cadre légal en lui même, c’est la qualité des personnes chargées de mettre en œuvre le processus de justice transitionnelle qui importe» déclare Howard Varney, expert  en justice transitionnelle qui a joué un rôle majeur dans l’établissement des faits avec la commission « vérité et réconciliation » en Afrique du Sud.

De fait, le profil requis pour mener à bien cette mission n’est certainement pas de ceux qui justifient avec aplomb leur silence d’hier par leur prétendue méconnaissance.

Si ma candidature « dérange », c’est bien parce que je ne suis pas de ceux qui savent se taire, pour afficher leur impuissance et se prévaloir de l’ignorance des faits. Parce que je fais partie des rares personnes qui ne se sont pas tues, qui ont dénoncé et payé un lourd tribut au refus de la loi de l’omerta ; et dont la résistance aux pressions (targhib wa tarhib) a été éprouvée, donc gage d’indépendance.

La neutralité exigée par la loi ne se mesure pas par rapport à la dictature mais par rapport aux enjeux partisans. Comme pour n’importe quel crime, on ne doit pas être neutre par rapport à la dictature ! Je me suis toujours perçue davantage comme une combattante contre la dictature plutôt que sa victime !

Ceux qui s’arrogent aujourd’hui le droit de dicter leurs critères de choix aux élus en charge de la formation de l’IVD, ne cachent plus leur ressentiment à l’égard de ceux qui ne se sont pas tus. Préférant orchestrer des campagnes pour blanchir tortionnaires, fraudeurs, détourneurs de fonds publics

Et voici qu’ils raclent les fonds nauséabonds des services de Ben Ali, dont ils reprennent les litanies usées pour mettre en cause mon intégrité morale. Le refrain est toujours le même depuis des décennies : «j’aurais monnayé mon militantisme auprès des institutions européennes» et voici qu’ils prétendent même me menacer de dévoiler mes soi-disant «dossiers».

Je défie les nostalgiques de montrer leurs « preuves », je les invite même à les communiquer à la commission de tri qui est tenue par la loi de recevoir les contestations au sujet des candidats ! Ces preuves n’existent pas et mon patrimoine est vérifiable par tous les moyens.

Les « largesses de l’Union européenne », sont vérifiables ; les institutions européennes sont tenues à la transparence par la loi ; il suffit d’aller sur leur site pour dénicher la liste des ONG tunisiennes ayant bénéficié de leurs fonds; une chose est sûre, vous n’y trouverez ni Kalima, ni le CNLT et encore moins Sihem Bensedrine, pour la simple raison que l’UE ne nous a pas donné un seul centime d’euros ni avant ni après la révolution.

Il m’est également reproché une participation de 1,25% (12500 Dinars) au capital de Kalima production ; les nostalgiques n’ont jamais pu cacher la tiédeur de leurs sentiments envers ce média indépendant, ni leur délectation face à son blocus orchestré par leurs lobbies. Directrice de la rédaction, je n’ai assumé aucune tâche de gestion. En prétendant que les fonds des actionnaires ont été « dilapidés »… ils imaginent se substituer à ces derniers qui disposent d’un contrôleur de gestion et de maints mécanismes de suivi ; ils vont leur montrer à ces pauvres amateurs en « affaires » comment défendre leurs intérêts face à ces requins de fondateurs de Kalima !

Ces gens ne comprendront jamais qu’on n’a pas les mêmes valeurs ; ma richesse est ailleurs que dans le patrimoine que j’ai dédaigné ma vie durant. La dictature a multiplié les appâts, en vain ; de guerre lasse, zaba et ses sbires se sont acharnés à détruire mes maigres ressources sans parvenir à m’atteindre. Ce ne sont pas les campagnes menées aujourd’hui par quelques aigrefins qui réussiront à m’intimider.

Sihem Bensedrine

Sihem Bensedrine : «Leurs campagnes ne m’intimideront pas»
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